Réparer les vivants - Maylis de Kerangal
25 Février 2014 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans, #Coups de coeur
Il y a des livres, comme celui-ci, que l'on referme à regret, déjà nostalgique de la belle et si particulière façon de l'auteur de nous emmener avec elle. J'avais déjà beaucoup apprécié "Naissance d'un pont" et ses longues phrases, bien rondes, caressantes. Un style identifiable que l'on retrouve ici bien que plus contrasté, sachant s'adapter au propos et à l'urgence de la situation. Et puis il y a ce titre, sublime, tiré d'un dialogue de Platonov d'Anton Tchekhov, "Que faire Nicolas ? Enterrer les morts et réparer les vivants".
Résumer cet ouvrage à l’histoire d’une transplantation serait beaucoup trop réducteur même s’il s’agit bien du sujet exploité par l’auteur mais qui en fait une sorte d’hymne à la vie, un roman à la gloire du vivant. Avec beaucoup de justesse et de talent, Maylis de Kerangal nous embarque pour 24 h dans la vie d’un cœur, celui d'un jeune homme de 19 ans, Simon Limbres, victime d'un accident de la route, un cœur qui bientôt ne lui appartiendra plus, appelé à une mission de la plus haute importance : réparer un vivant en sursis.
Si elle a choisi le cœur, ce n’est pas anodin. Ce cœur dont la suprématie à séparer les vivants des morts a été démentie par les découvertes scientifiques, c’est néanmoins par lui que tout passe. Ses battements qui accompagnent les émotions, l’effort, la joie, la peur, l’amour… L’auteur parvient à dire tout ça. Dès la première page, en une longue phrase saisissante de clarté, de justesse et de poésie. Mais aussi en peignant des personnages vrais et sobres, tellement proches. En les saisissant dans leur vérité subitement confrontée à une réalité crue. Ces personnages ont une vie, une histoire. En romancière avertie, elle tente de comprendre chacun, de capter la moindre émotion, les parents face à l’indicible, les médecins, concentrés, attentifs, tendus vers leur objectif, l’infirmier coordinateur, une belle figure à l’implication sans faille, le receveur, ses peurs, ses doutes. Tout ceci est bien documenté, ce qui ne gâche rien et met en lumière le travail des médecins qui se sont succédé des années durant pour que la réparation des vivants soit possible, que des transplantations deviennent même des opérations de routine. Mais c’est bien l’émotion qui emporte le morceau, grâce au regard plein de compassion, d’admiration et d’amour que pose l’auteur sur chacun des protagonistes de son histoire, même le plus infime, sans jamais sombrer dans le pathos. Et le lecteur de vibrer et de s'interroger au fil des pages et du suspens que l'auteur réussit à installer.
Il y a de l’ambition dans ce travail d’écriture et une infinie délicatesse dans la réalisation. Pour un très très grand plaisir de lecture.
"Réparer les vivants" - Maylis de Kerangal - Editions Verticales - 280 pages
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