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Du côté de chez Drouant - Pierre Assouline

18 Août 2014 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

L'Académie Française a ses fauteuils, l'Académie Goncourt ses couverts. Au nombre de 10, ils ont trouvé domicile fixe chez Drouant depuis 1914, onze ans après la création de l'association selon les dernières volontés d'Edmond de Goncourt. Coopté en 2012, Pierre Assouline est locataire du dixième couvert où il a succédé à Françoise Mallet-Joris l'une des encore trop rares femmes admises (ou même primées) dans ce temple de la littérature. Avec ce livre, il revisite "Cent dix ans de vie littéraire chez les Goncourt" qui sont autant de rivalités, luttes de pouvoir ou d'égo, manigances et discussions passionnées.

Mais que serait la vie littéraire sans le prix Goncourt ? Aussi décrié que convoité, il est l'objet de toutes les attentions y compris de la part de ceux qui font tout pour faire croire qu'ils ne s'y intéressent pas. Politique pour les uns, marketing pour les autres... Une seule chose néanmoins rassemble tout le monde : le tirage assuré et les bénéfices associés. Pas sûr qu'Edmond de Goncourt ait imaginé tout ce bruit autour du prix en couchant ses directives sur le papier pour la postérité : "... que ce prix soit donné à la jeunesse, à l'originalité du talent, aux tentatives nouvelles et hardies de la pensée et de la forme."

En passant en revue chacune des 110 éditions du prix depuis sa création, Pierre Assouline pointe avec une certaine tendresse et une belle ironie, les passions et les contradictions qui jalonnent les parcours des jurés, des auteurs et bien sûr des éditeurs. Ce qui permet de s'apercevoir que parmi les 110 lauréats, assez peu sont restés dans les mémoires même si leur moment de gloire fut bien réel. Beaucoup de carrières ont été écrasées par ce prix avant même d'avoir débuté. Amusant parallèle qu'ose l'auteur avec les exploits sportifs qui semblent rester dans les mémoires des passionnés tandis que les lauréats de prix littéraires ne font qu'occuper l'espace un court instant. Comment ne pas sourire également en découvrant qu'il faut attendre 2008 (plus de cent ans donc) pour que les statuts de l'association interdisent à un membre du jury d'exercer une fonction de conseil éditorial...

Ces déjeuners du mardi chez Drouant ont fait l'objet de tous les fantasmes, on a même tenté d'en espionner les conversations en cachant des micros dans les placards ou devant les fenêtres mais d'après Pierre Assouline, rien de bien révolutionnaire que ces réunions de gens de lettres parlant "boutique" entre deux plats.

C'est une promenade bien savoureuse à laquelle nous invite l'auteur, riche d'anecdotes et d'enseignements sur la vie littéraire et plus particulièrement la rentrée littéraire. Celle là même dont le coup d'envoi est prévu dans quelques jours (le 21 août) et avec elle les premières listes de goncourables (oui, le mot est entré dans le Petit Robert cette année), lancées par les journalistes alimentés tout l'été par les plans de communication des éditeurs. "Faut-il faire ou refléter l'opinion ?" voilà la question posée, selon l'auteur, aussi bien aux journalistes qu'aux jurés de chez Drouant. Et elle risque de continuer longtemps à animer les débats, quelles que soient les tables autour desquelles les discussions auront lieu.

Une lecture qui dédramatise un peu tout ça et redonne une apparence plus ludique à toutes ces opérations ; un jeu qui n'ôte rien au plaisir de découvrir chaque année les piles de nouveautés sur les tables des libraires, ni à celui de lire les résultats de l'encre qu'elles font couler... Vive la rentrée littéraire !

"Du côté de chez Drouant" - Pierre Assouline - Gallimard / France Culture - 192 pages

(Ce livre a été réalisé à partir d'une série d'émissions diffusées sur France Culture, d'où le partenariat d'édition)

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