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Bérénice 34-44 - Isabelle Stibbe

3 Mars 2015 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Bérénice 34-44 - Isabelle Stibbe

Un angle original pour ce roman : les années d'occupation vues à travers le prisme du milieu des artistes, et plus particulièrement des auteurs et comédiens rattachés à La Comédie Française. Très bien documenté, il montre toute la complexité et l’ambiguïté de la situation de ces "saltimbanques" exclusivement voués à leur art, soudain obligés de s'éveiller à la politique. On retrouve bien sûr des thèmes souvent abordés dans les romans qui traitent de cette époque : les différences de comportement face aux restrictions imposées aux Juifs, la difficulté de discerner le vrai du faux, les petites mesquineries et les grandes trahisons. Mais on ne peut s'empêcher d'être touché par ces personnages qui, encore moins que les autres, n'étaient absolument pas faits pour la guerre.

Voici donc dix années dans la vie de Bérénice de Lignières. Passionnée de théâtre depuis l'âge de huit ans, elle est admise première au concours d'entrée du Conservatoire en 1934, contre l'avis de ses parents qui la bannissent. Grâce au soutien d'une cliente de son père, elle poursuit son apprentissage dans la classe de Louis Jouvet et entre à la Comédie Française en 1937 sous ce nom de scène. Bérénice ne vit que pour sa passion du théâtre et des grands auteurs classiques, elle apprécie par dessus tout l'esprit de troupe qui règne dans la grande maison et gravite dans un milieu artistique qui l'amène à rencontrer deux hommes qui compteront particulièrement pour elle : Nathan Adelmann, célèbre compositeur juif allemand en exil et Alain Béron, son librettiste, poète et avocat.

Bérénice et Nathan se marient, leurs carrières respectives sont en plein essor lorsque la guerre éclate. Échaudé par son expérience allemande, Nathan choisit de partir pour l'Espagne tandis que Bérénice, aveuglée par son amour de la scène choisit de rester. Sauf que Bérénice de Lignières cache en réalité Bérénice Capel, fille de Moïshe Kapelouchnik réfugié juif de Russie dont le nom sera francisé au moment de sa naturalisation en 1892. Dénoncée, elle sera exclue de la Comédie Française comme tous les acteurs juifs, à la demande des autorités allemandes. Réfugiée chez Alain Béron, sa conscience politique s'éveillera peu à peu l'amenant à passer à l'action autrement que sur une scène de théâtre. Et à comprendre cette phrase longtemps répétée par son père : "Etre juif, ça se porte"

Si les trois principaux protagonistes de cette histoire sont des personnages créés de toutes pièces, ils croisent la route de toutes sortes de gens bien réels. Louis Jouvet, Pierre Dux, Robert Manuel, Jean-Louis Barrault, Madeleine Renaud, Véra Korène ou encore Jacques Copeau l'administrateur de la Comédie Française au moment de l'exclusion des acteurs Juifs. Ce qui fait de ce roman une mine d'information sur ce milieu, autant qu'un hommage émouvant à toutes les victimes de cette terrible époque.

"Bérénice 34-44" - Isabelle Stibbe - Le Livre de Poche - 358 pages

(En sélection pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2015)

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L
Comment s'appelle la dénoncatrice ?
Répondre
N
Ouhh la colle... Je ne m'en souviens pas du tout...