Le ravissement de Lol V. Stein - Marguerite Duras
Je n'ai pas lu grand chose de Marguerite Duras. L'amant comme à peu près tout le monde, et puis quelques textes au détour de propositions d'ateliers d'écriture ainsi qu'un essai intitulé Ecrire, qui m'a laissée assez perplexe. Mais depuis qu'Agnès Desarthe a expliqué dans l'excellent Comment j'ai appris à lire la façon dont sa rencontre avec les livres de Marguerite Duras et plus particulièrement Le ravissement de Lol V. Stein a définitivement scellé son destin de lectrice, je me suis jurée de tenter moi aussi l'expérience.
"Je lis le livre. L'étonnement reste vif. J'en ai le souffle coupé. Je n'ai jamais rien connu de tel. Une cadence, un rythme qui arrachent à la langue son col, ses souliers, sa cravate, son petit pardessus étriqué. La langue va nue, elle va neuve, elle est décollée des conventions. Je ne reconnais rien de ce qui me tétanise chez les adultes et que je trouve trop souvent dans les livres que l'on voudrait me faire lire : la morgue, la sévérité, le faux-semblant, la condescendance, la terreur masquée par l'assertivité."
Ca, c'est le ressenti d'Agnès Desarthe, et on comprend ce qui m'a poussée vers ce livre. Malheureusement, le mien est beaucoup moins émerveillé. Cette lecture m'a intéressée comme une expérience inédite mais je suis restée à l'extérieur, j'ai surtout éprouvé une certaine froideur, comme un détachement par rapport à l'histoire que l'on me contait. Peut-être à cause de l'écriture qui semble s'attacher à tenir le lecteur hors de l'action. Je n'ai ressenti aucune empathie pour Lola Valérie, jeune femme hantée par un événement de sa jeunesse lorsqu'elle a assisté, lors d'un bal au coup de foudre de son fiancé pour une autre qu'elle. Une scène dont elle est depuis indissociable et dont chacun se sert pour expliquer son comportement, ses choix de vie ou pour la protéger. Lors de ce bal, une amie, Tatiana était présente et témoin privilégié. Lorsqu'elle la revoit, dix ans après, Lola tombe amoureuse de l'un des amants de Tatiana...
Effectivement, on est loin des conventions de l'époque, du point de vue de l'intrigue autant que de la langue et de cette façon de décortiquer les sentiments des uns et des autres, sans enrobage. Une façon très crue et directe d'envisager les relations hommes / femmes, les non-dits et les mensonges entre les deux amies. Une atmosphère où affleure une sorte de danger né du déséquilibre que l'on devine dans l'esprit de Lol. Mais ce n'est vraiment pas évident.
Bon, il faut dire que moi, contrairement à Agnès Desarthe je n'avais pas besoin d'un déclic pour avoir envie de lire, c'est fait depuis très très très longtemps. Donc, expérience intéressante, que j'ai menée jusqu'au bout mais qui me laisse dubitative et pas forcément encline à explorer plus avant l’œuvre de Duras. Mais après tout, on ne peut pas tout aimer, ni tout lire... (par contre, Agnès Desarthe, dont on annonce un nouveau roman à la rentrée, je continuerai à la lire avec enthousiasme !)
"Le ravissement de Lol V. Stein" - Marguerite Duras - Folio - 191 pages