Sfumato - Xavier Durringer
J'aurais voulu aimer ce livre. D'ailleurs, j'étais partie pour, séduite par le côté doux-dingue complètement paumé du héros et ses tribulations dans un Paris de la nuit qui sert de cadre à ces rencontres improbables qui font le sel de la vie. Et puis, à un moment donné, l'auteur mélange les genres, donne dans le mystique un peu nébuleux et là, je n'ai pas marché. Mais je veux quand même en parler, d'une part parce que, plusieurs semaines après ma lecture, il me reste un élan de sympathie pour ce livre, d'autre part parce que je suis persuadée que d'autres que moi seront meilleurs clients, moins gênés par ce mélange.
"Le sfumato, une technique qui permet d'obtenir des contours imprécis, une superposition de très fines pellicules de peinture qui donne un aspect brumeux dans les arrière-plans et fait ressortir le sujet car la lumière ne semble alors parvenir qu'au travers de ces différentes couches vaporeuses."
Cet aspect brumeux, disons qu'il enveloppe la vie de Raphaël, jeune homme plus si jeune mais toujours en quête de lui-même. Apprenti comédien-auteur-metteur en scène, il navigue entre espoirs et désillusions, galères et rencontres glauques. Raphaël, c'est le genre à se faire refiler un appartement dont les murs sont si fins qu'ils donnent l'impression d'habiter avec les voisins. Un loser sympathique. Vie nocturne, alcool, drogues... Raphaël se débat dans une existence faite de bric et de broc dont il semble toujours chercher le sens. Jusqu'à sa rencontre avec Viktor, dans un café, un vieil homme intrigant qui semble avoir vécu plusieurs vies, aussi érudit qu'énigmatique. Les conversations avec Viktor ouvrent à Raphaël les perspectives d'un monde jusqu'alors inconnu, qui mêle connaissance, culture et foi. Et qui poussent Raphaël à s'interroger et aller au fond de lui-même, au point de se mettre en danger. Que cherche Viktor exactement ? Pourquoi s'intéresse-t-il à Raphaël comme s'il voulait lui transmettre un quelconque flambeau ?
Si l'on suit sans déplaisir les errances de ce gentil paumé qui suscite une vraie empathie et de ses camarades (qui n'ont rien à lui envier côté immaturité), la démonstration qui suit, symbolisée par le chemin que Viktor fait emprunter à Raphaël m'est apparue comme trop nébuleuse et m'a laissée sur le bord du chemin. Sans doute à cause de la difficulté à suivre ce cheminement intellectuel qui sombre souvent dans une sorte de mysticisme à la fois complexe et plutôt anachronique dans la vie du héros (un peu comme si on introduisait du Da Vinci Code dans une chronique sociale). Si j'ai souvent souri devant les malheurs de ce sympathique loser, je me suis beaucoup ennuyée pendant les élucubrations "religio-philosopho-complotistes" de Viktor. D'où cette impression d'avoir compris l'ambition de l'auteur, sans parvenir à y adhérer. Avec un drôle de sentiment à la fin qui fait s'écrier "tout ça pour ça !".
En tout cas, je suis impatiente d'avoir d'autres avis, d'autres ressentis. Preuve que ce livre est assez intrigant pour susciter l'intérêt.
"Sfumato" - Xavier Durringer - Editions Le passage - 352 pages
6/68 - L'exploration des premiers romans de l'automne continue...