Un café maison - Keigo Higashino
Cette collection Babel noir est en train de me devenir aussi indispensable que celle des Grands Détectives 10-18... Elle regorge de petites pépites offertes par des auteurs du monde entier et qui sont autant de promesses de découvertes et de dépaysement. Car si la notion de crime est universelle, les façons de les commettre tout comme celles de les élucider varient incontestablement d'un pays à l'autre. Un café maison est l'occasion de découvrir une variante japonaise tout en finesse, grâce à l'un des maîtres du polar dans ce pays.
A Tokyo, il semble bien que l'inspecteur Kusanagi et son équipe soient cette fois confrontés au crime parfait. L'arme du crime : une tasse de café empoisonné à l'arsenic. Jusqu'ici, du classique. Ce qui l'est moins, ce sont les circonstances du meurtre. En effet, la victime, Yoshitaka Mashiba était apparemment seul dans l'appartement au moment où il a absorbé le poison. La piste du suicide étant rapidement écartée, le mystère reste entier. Qui et comment ? L'épouse de Mashiba, la belle Ayané qu'il venait d'informer de sa décision de la quitter ? Mais elle était à Sapporo dans sa famille. La maîtresse de Mashiba, Hiromi Wakayama qui était aussi l'assistante d'Ayané ? Peu probable au fur et à mesure des investigations. Alors que Kusanagi tombe sous le charme de Mme Mashiba, sa collègue, Kaoru Utsumi semble au contraire persuadée de la culpabilité de la dame. Convaincue qu'elle a utilisé un stratagème pour empoisonner le café pendant son absence, Kaoru fait appel à un physicien, Yukawa dont la police a déjà utilisé les services pour tenter de résoudre scientifiquement ce mystère. Mais il va aussi leur falloir remonter dans le passé de Mashiba et en apprendre plus sur son comportement singulier avec les femmes pour commencer à entrevoir un début de vérité...
Ce qui est réjouissant avec ce polar c'est la délicatesse avec laquelle se déroule l'intrigue. On est loin des violences aux forts relents d'hémoglobine. Loin également des gros sabots et des déductions tirées par les cheveux. Place à l'intuition, à la réflexion, à la déduction. Tout ceci réalisé avec une exquise politesse, à la japonaise, qui n'a rien à envier au flegme britannique. On est ici tout à fait dans la lignée d'une Agatha Christie et l'on prend plaisir à se creuser les méninges pour tenter de comprendre comment ce poison a bien pu atterrir tout seul dans cette tasse. Et qui a dit que la politesse empêchait le machiavélisme ?
J'ai juste regretté que les personnages des enquêteurs ne soient pas un peu plus fouillés, qu'on n'en sache pas plus sur leurs vies respectives car le couple professionnel formé par Kusanagi et Kaoru semble prometteur (mais je crois que ces héros deviennent récurrents par la suite, tout comme le physicien Yukawa).
Jolie découverte. Un auteur que je range dans la liste de ceux auxquels je resterai attentive et dont je relirais un autre opus avec plaisir.
"Un café maison" - Keigo Higashino - Babel noir - 335 pages (traduit du japonais par Sophie Refle)