La petite barbare - Astrid Manfredi
C'est le problème avec les livres annoncés comme des phénomènes. Soit on en attend trop, soit on se méfie. En tout cas, il est difficile d'occulter les effets du buzz qui influencent forcément la lecture. Moi, avant d'ouvrir La petite barbare, j'ai eu tout le temps de passer par plein d'états différents : l'intérêt, la curiosité, le doute, l'agacement. Et finalement l'envie de me faire ma propre opinion face à des avis de plus en plus contrastés après la quasi-unanimité des débuts.
Alors ? Alors, c'est pas gagné. D'abord, pour être tout à fait honnête, le sujet du livre ne m'aurait pas incitée à le choisir sur la table d'une librairie, même avec tout ce qui compte de critiques influents criant au chef d’œuvre (on n'en n'est pas là, c'est juste une image). Il a fallu ce challenge des "68 premières fois" pour qu'il arrive jusqu'à moi. Et tant mieux. Parce que si on ne lit que ce que l'on est sûr d'apprécier, où est le plaisir de la découverte ?
Reconnaissons à l'auteure l'originalité et l'audace du sujet ainsi qu'un amour incontestable des mots et de la littérature. Ça claque, ça interpelle, ça ne se cache pas derrière une fausse pudeur. Phrases courtes, rythme saccadé, ça suinte la violence et même la haine par tous les grains du papier. Normal, cette petite barbare est en prison, elle purge une peine de sept ans en tant que complice d'un meurtre. Pas très bavarde devant les psys, c'est au papier qu'elle se confie, jetant les mots comme autant de coups destinés à marquer celui qui les lira. La banlieue comme seul décor, les parents absents ou démissionnaires, l'éducation en bas de chez elle plutôt qu'à l'école, à travers la micro société qui gravite autour d'elle, faite de petits caïds et d'argent facile. Elle est belle, elle a très vite appris à utiliser cette beauté pour arriver à ses fins. Passée maîtresse dans l'art de la manipulation. Jusqu'à servir d'appât pour le compte d'un gang qui détrousse les petits bourgeois (Là j'avoue que je n'ai pas pu m'empêcher de penser au tristement célèbre gang des barbares. Sensation de malaise).
Mais tout ça pour quoi faire ? On ne perçoit ni regret ni remord chez la jeune fille de 23 ans qui s'apprête à sortir de prison, à peine une mince envie d'essayer de vivre autrement et l'embryon d'une idée que le prince charmant pourrait ressembler à l'Amant de Marguerite Duras (découvert en prison) plutôt qu'aux gros machos des banlieues qu'elle a côtoyés jusque-là. Malgré sa découverte des livres, on n'a pas l'impression qu'ils lui offrent plus qu'un moyen d'attendre sa délivrance. La beauté des mots ou des poèmes qu'elle retient ne lui semble d'aucune utilité pour ré orienter sa vie. Là, ça a du mal à passer la barrière de mon cerveau, je n'y crois pas. Disons que je ne comprends pas ce qu'a voulu signifier l'auteure.
C'est peut-être le but, faire détester cette fille à laquelle on a du mal à trouver des excuses malgré le décor et l'environnement qui l'ont vue grandir. C'est vrai qu'on a toujours du mal avec les personnages qu'on n'arrive pas à expliquer et dont on n'arrive pas à justifier le comportement.
Voilà. Bilan très mitigé de mon côté. Une bonne plume, ça c'est évident. Mais au service d'une histoire et d'un personnage qui ne m'ont pas convaincue.
"La petite barbare" - Astrid Manfredi - Belfond - 154 pages
12/68 - L'exploration des "68 premières fois" se poursuit.
Retrouvez les avis contrastés des autres participants à l'aventure : enthousiaste pour L'irrégulière, un peu moins pour Martine et carrément interrogatif pour Sur la route de Jostein.