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Vous n'aurez pas ma haine - Antoine Leiris

21 Juin 2016 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

Vous n'aurez pas ma haine - Antoine Leiris

Comme beaucoup en novembre dernier, j'ai été bouleversée par le texte d'Antoine Leiris diffusé et partagé sur Facebook. Une parole si juste, malgré le drame et la douleur. Impressionnée par l'homme et son regard clair croisé au détour d'une émission de télé, un regard où perce la franchise et où, conformément à ses paroles, nulle trace de haine ne peut être détectée. C'est pour cette raison que j'ai eu envie de lire son récit. Parce que son témoignage est essentiel et qu'il permet, dans la cacophonie ambiante, de se recentrer sur ce qui est important.

"Ça aurait pu être un chauffard qui oublie de freiner, une tumeur un peu plus maligne que les autres ou une bombe nucléaire, la seule chose qui compte, c'est qu'elle ne soit plus là. Les armes, les balles, la violence, tout ça n'est que le décor de la scène qui se joue réellement, l'absence."

Ce livre, c'est avant tout une déclaration d'amour. A Hélène, la femme de sa vie, la mère du petit Melvil, fauchée au Bataclan parmi de trop nombreuses autres victimes. Ce n'est pas un livre politique, encore moins une accusation, c'est la parole d'un homme amoureux, fracassé par le chagrin mais décidé à rester debout, pour ce petit garçon à qui il faut bien expliquer l’inexplicable. Plus ma lecture avançait, la gorge serrée mais le cœur toujours aussi admiratif, plus le parallèle se faisait dans mon esprit avec le superbe roman de Max Porter, La douleur porte un costume de plumes.

Au centre des deux livres, le décès subit d'une femme encore jeune, épouse aimée et mère adorée. L'incompréhension, puis les gestes à accomplir, le vide, le manque, le quotidien à réinventer, et puis peu à peu la lumière de nouveau entrevue. Si le livre de Max Porter est une fiction qui choisit d'explorer le noir même en empruntant des chemins poétiques et des ressorts imaginaires, le récit d'Antoine Leiris est un exemple de clarté et de transparence qui s'attache, dès le début à attraper le moindre rayon de lumière.

Sur le papier, Antoine Leiris pose ses sentiments, ses peurs, ses doutes comme la crainte soudain de ne pas être à la hauteur de l'image que l'on projette sur lui après la large diffusion de son premier texte. Et l'on sent que ce livre lui était nécessaire aussi pour rejeter les habits de héros que l'on voudrait lui faire endosser et n'exposer que le costume qu'il a choisi, celui de père. Avec ce que cela comporte de responsabilité dans la mémoire, la transmission et la construction future de la personnalité de son fils. Conscient que ce livre "ne me soignera pas. On ne se soigne pas de la mort. On se contente de l'apprivoiser."

Vous n'aurez pas ma haine est un récit sincère, poignant et indispensable. En nous l'offrant, Antoine Leiris nous fait un cadeau inestimable, celui d'une pensée lumineuse qui s'attache à faire triompher la vie et donc l'intelligence, même au plus profond des ténèbres.

"Vous n'aurez pas ma haine" - Antoine Leiris - Fayard - 140 pages

Le billet de Joëlle, et celui de Myriam.

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E
Merci pour cette belle chronique.
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N
Le livre le mérite, j'essaie de faire de mon mieux.
J
un livre très fort, un magnifique déclaration d'amour à sa femme et à son fils. Quelle dignité ! L'amour plutôt que la haine, quelle leçon...
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N
Comment ne pas être touché et surtout impressionné ?
C
Elle est belle ta chronique...je la transmets à quelqu'un qui a beaucoup aimé ce livre ; je ne l'ai pas encore lu mais cela viendra.<br /> J'ai noté précieusement ta comparaison avec le roman de Max Porter qui m'attend sur ma table de nuit : c'est ma lecture de ce soir !
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N
Merci. Ma lecture du Max Porter est encore très fraiche, c'est certainement pour ça que le parallèle m'a sauté aux yeux. Lire les deux est une expérience intéressante.
Z
J'aime beaucoupo ton commentaire
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N
Merci. On a aussi envie d'être à la hauteur du texte proposé, ce qui n'est pas toujours simple.