Je me suis tue - Mathieu Menegaux
"Je reprends tout, pour vous, depuis le début. Lisez-moi. Vous êtes ma dernière conversation avant que je disparaisse".
Après ces quelques mots comment ne pas être happé par ce court roman, confession d'une meurtrière à la veille de son jugement ? Il faut dire que Mathieu Menegaux mène bien sa barque, distille peu à peu les informations qui font monter la tension et basculer le lecteur dans différents degrés d'horreur face à un tel gâchis.
Car Claire avait tout pour elle. Un mari aimant, une carrière de DRH épanouissante dans un grand groupe, une vie facile et remplie. Comment s'est-elle retrouvée derrière les barreaux ? Pourquoi a-t-elle toujours refusé de s'expliquer devant les policiers ou les juges ? Qu'est ce qui a soudain libéré sa parole ?
L'auteur se glisse sans problème dans la peau d'une femme qui raconte enfin la succession d'événements et de décisions qui composent au final le terrible engrenage qui a entraîné sa perte. Il dresse ainsi le portrait d'une femme totalement enfermée dans l'image parfaite qu'elle tient à conserver aux yeux du monde, quitte à passer sous silence ce qui pourrait l'écorner. Une femme qui applique à la lettre la devise des Windsor "Never explain, never complain" : souffrir en silence, nier les drames pour les faire disparaître au risque d'être rattrapée par l'horreur. Tant qu'on n'en parle pas, ça n'existe pas. Sauf que...
Au fil du récit de Claire se dessinent les failles qui constituent le terreau favorable dans lequel le drame a pris racine. Et le lecteur assiste, médusé, à chacune des étapes, chaque mauvaise décision jusqu'à la chute. Une dramaturgie renforcée par le fait qu'il est impossible à Claire de revenir en arrière alors qu'elle égrène ses "et si...".
Ce premier roman offre donc une sacrée maîtrise de la narration, une mécanique implacable. On peut néanmoins lui reprocher quelques invraisemblances, la plus importante étant quand même le flacon de barbituriques que l'avocat fait passer à sa cliente en prison. Je n'ai pas non plus compris l'intérêt des références de chansons qui émaillent le récit, je ne vois pas ce que cela apporte à l'ensemble.
Au final, une lecture coup de poing d'un auteur qui a réussi son entrée.
"Je me suis tue" - Mathieu Menegaux - Points (Grasset) - 144 pages
Lu dans le cadre du Prix du meilleur roman des lecteurs de Points, ce livre suscite des avis très contrastés et des discussions animées entre les différents jurés. Je vous en parlerai plus en détails lors d'un bilan complet de cette aventure.