Eloge du chat - Stéphanie Hochet
Si l'on a beaucoup écrit sur les chats, c'est peut-être qu'il y a matière. Il suffit de poser les yeux sur l'une de ces créatures pour être captivé par un spectacle rendu plus envoûtant encore par la chape de mystère qui entoure cet animal aux multiples personnalités. Chats et écrivains font en général bon ménage et nombreux sont les écrits qui tentent de rendre compte de ce lien spécial qui unit l'homme et le chat. Stéphanie Hochet nous propose une bien agréable balade littéraire parmi des références qui vont de T.S. Eliot à Colette en passant par Molière, Shakespeare, Baudelaire, Tennessee Williams et bien d'autres encore. Une petite dose de symbolique et d'étymologie rend le voyage encore plus enrichissant. Mais peut-on vraiment connaître les chats ?
"When you let him in, then he wants to be out ; He's always on the wrong side of every door, ans as soon as he's at home, then he'd like to get about." (T.S. Eliot)
Mais qu'est ce qui nous a pris de nous laisser asservir par ces boules de poils qui parviennent à nous faire faire exactement ce qu'elles veulent ? Le chat n'a rien d'une peluche passive malgré sa propension à l'immobilité. C'est un animal sauvage qui ne rate pas une occasion de nous le rappeler. Libertaire et autocrate comme nous l'illustrent les deux premiers chapitres de ce livre. "Le chat est un tigre". Effectivement, regardez le mien ! Petit mais redoutable, il exerce néanmoins son pouvoir non par la force mais par la flexibilité. Le seul animal pour lequel on a fait des trous dans les portes...
"Si le chat devait s'incarner en un être humain, il aurait ce corps élastique d'athlète. Extension des muscles, souplesse du mouvement, réactions précises, le félin nous apprend que la vraie flexibilité est une qualité triomphante qui lui permet d'être par ailleurs paresseux, jouisseur et voluptueux."
Moi qui parle toujours de la relation "virile" que j'ai avec mon chat, me voici quelque peu contredite par le chapitre suivant démontrant les attributs féminins du chat. Une démonstration troublante qui invoque quelques chefs-d'oeuvre littéraires (La ferme des animaux, Peines de coeur d'une chatte anglaise...), convoque le 7ème art (La chatte sur un toit brûlant, Le chat...). Des références qui vont de l'érotisme à l'hystérie. Moi qui pensais avoir affaire à un matou... Encore une histoire de flexibilité sûrement.
Quant au chapitre qui vise à montrer que le chat est Dieu... c'est un régal, et cela explique beaucoup de choses. Même si le chat est avant tout symbole d'ambigüité, donc un sujet sur lequel on pourrait s'éterniser. Stéphanie Hochet a choisi de faire court, elle va ainsi à l'essentiel et parvient à donner envie d'explorer un peu plus avant cette littérature inspirée par le mystère félin. Tout en pariant que lors des siècles à venir, les chats continueront à faire couler beaucoup d'encre.
Et pour compléter tout ça, je ne résiste pas à insérer un extrait d'un texte de Homéric publié dans le recueil D'autres vies que la nôtre ; il y rend un vibrant hommage à son chat baptisé Shams (soleil en arabe) et illustre bien cette relation paradoxale mise en exergue par Stéphanie Hochet qui voudrait que lorsque nous contemplons un chat, ce soit nous que nous voyons, un nous fantasmé. "C’est le plus malin, doux et attendrissant des chats. Le frère que je n’ai pas eu, meilleur ami, associé en poésie. Nous nous aimons assez gravement".
"Eloge du chat" - Stéphanie Hochet - Rivages Poche - 120 pages