Norma - Sofi Oksanen
Je ne suis pas certaine d'avoir choisi le bon livre pour rencontrer Sofi Oksanen. D'ailleurs j'ai cru comprendre que ses fidèles lecteurs risquaient d'être surpris par ce dernier opus. Dans un sens, tant mieux, cela m'encourage à lire Purge qui est noté depuis longtemps dans mes tablettes malgré ma relative déception après ce Norma qui me laisse dubitative. Une lecture qui n'a pas été déplaisante mais qui m'a laissée totalement en dehors, sans émotion et sans réelle compréhension du cheminement utilisé pour sa démonstration.
Pourtant, l'idée de départ est intéressante et le premier tiers du livre m'a ferrée. Le personnage de Norma, jeune trentenaire aux cheveux dotés de pouvoirs extraordinaires et obligée de les couper plusieurs fois dans la journée est emprunté à Raiponce, le conte de Grimm récemment revisité par les studios Disney. Des cheveux vivants, qui réagissent aux odeurs et au stress et encombrent les sens de Norma de toutes sortes d'informations sur les gens qu'elle croise. A partir de là, on devine que la vie de Norma n'est pas facile mais on comprend peu à peu pourquoi. Lorsque sa mère avec laquelle elle vivait à Helsinki se jette sous un métro, Norma découvre soudain qu'elle se livrait à une enquête sur le salon de coiffure dans lequel elle travaillait, spécialisé dans les extensions. Abordée par toute sorte de gens apparemment liés à sa mère, Norma va devoir s'investir à son tour pour comprendre et surtout sauver sa peau.
Construit comme un polar, Norma soulève le sujet de l'exploitation des femmes, depuis les diktats de la beauté jusqu'aux trafics liés aux désirs de maternité. Afin que des femmes puissent arborer une chevelure longue et épaisse du jour au lendemain, d'autres vendent leurs cheveux pour une misère. Pour que des femmes riches puissent pouponner un jour, d'autres sont contraintes à fabriquer des bébés à la chaîne. A la manoeuvre, une famille mafieuse qui n'a rien à envier aux modèles du genre. On imagine ce qu'il adviendrait d'un spécimen comme Norma si on découvrait les pouvoirs de ses cheveux : observée, décortiquée, montrée, exploitée... Au fil de son enquête, Norma découvre comment sa mère a cherché à la protéger jusqu'au bout et surtout comment l'une de ses semblables dans le passé, Eva, a inspiré ses actes.
Je crois que j'ai eu du mal à comprendre le pourquoi de l'utilisation des cheveux dans la démonstration de l'auteur. Si c'était une volonté de tirer l'ensemble vers le fantastique, ça ne contribue pas à éclairer le propos. Si c'était une réflexion sur le fait d'être différent, on ne va pas jusqu'au bout. Bref, je vais faire un jeu de mots facile mais pourtant approprié : c'est vraiment tiré par les cheveux. Après ma lecture, j'ai lu l'entretien accordé par l'auteur au magazine Page des libraires dans lequel elle explique la genèse de son livre qui au départ devait être une nouvelle... et cette lecture, loin de m'éclairer, m'a confortée dans ma perplexité. Bref, je ne sais toujours pas ce que j'ai lu exactement.
On ne peut pas reprocher à un auteur d'afficher une certaine ambition et de sortir des sentiers battus. Si la rencontre n'a pas lieu, ce n'est pas forcément sa faute. Je crois que je m'attendais aussi à quelque chose de plus fort, de plus cru alors que l'auteur, à force de mélanger les genres a produit un résultat édulcoré. J'attends avec impatience de lire les chroniques de lecteurs plus séduits.
"Norma" - Sofi Oksanen - Stock - 386 pages (traduit du finnois par Sébastien Cagnoli)