Rencontre avec Antoine Bello
Si l'homme s'est envolé la veille des Etats-Unis où il vit depuis quinze ans, c'est pour mieux se poser dans le joli salon bleu de Gallimard face à une bonne trentaine de lecteurs impatients de partager leurs impressions. Antoine Bello ne se dérobera pas. Même s'il confie volontiers que Walker, le héros de L'homme qui s'envola lui ressemble énormément, pas question pour lui de disparaître...
La blogueuse Papillon avait donc parfaitement raison lorsqu'elle écrivait que la genèse de ce dernier roman était certainement autobiographique. Qui n'a jamais eu envie de tout plaquer ? Disparaître tout simplement et recommencer ailleurs, plus loin, à zéro... En général, l'idée est juste effleurée et vite balayée, reléguée au niveau de fantasme qui ne fait pas le poids face aux réalités - famille, enfants, responsabilités. Antoine Bello l'a poussée jusqu'au bout. En utilisant la littérature. Parce que en vrai, lorsqu'il a voulu changer de vie, il a revendu l'entreprise qu'il avait créée (spécialisée dans la réalisation de comptes-rendus de réunions) et fait grandir jusqu'à compter 400 salariés ; cela lui a apporté la sécurité et la sérénité nécessaires pour se mettre à écrire. Mais quand même, cette idée de disparaître, quand on l'a dans un coin de la tête...
Sur le papier, le fantasme est ainsi devenu réalité. Grâce à un gros travail de documentation facilité par le fait qu'aux Etats-Unis, ceux qui exercent le métier de skip tracer (recherche de fugitifs) et les fugitifs eux-mêmes ont tous le goût du récit. Antoine Bello s'est donc nourri de nombreux témoignages, ce qui explique la très grande crédibilité de la description de cette traque et des moyens utilisés par les deux acteurs principaux. Pour lui, 98% de ce qui est raconté s'appuie sur la réalité... Y compris donc les traits de caractère de Walker. A tel point que l'auteur a dû expliquer à ses quatre enfants que non, il n'avait pas l'intention de disparaître...
Dans la salle, les questions fusent. Pour certains, c'est le premier Bello et la rencontre est réussie. D'autres ont déjà goûté à la plume joueuse de l'auteur et évoquent avec gourmandise tel ou tel ouvrage. Antoine Bello a déjà publié une dizaine de romans dont la trilogie "Les falsificateurs - Les producteurs - Les éclaireurs" qu'il me reste à découvrir. Il les écrit à la suite, environ un par an. Il rédige assez lentement mais son premier jet est souvent proche de la version finale. Depuis ses premières tentatives avortées faute de méthode, Antoine Bello prend soin de réaliser un synopsis assez précis de son roman avant de commencer l'écriture, avec découpage par chapitre et fiches de personnages. Il avoue avoir plus de mal avec les personnages féminins qui sont d'ailleurs peu nombreux dans ses livres. La voix de Sarah a été plus difficile à trouver pour lui mais franchement, je ne l'ai pas ressenti lors de ma lecture (contrairement à d'autres lecteurs dans la salle).
Cet homme aime jouer avec les codes, changer de genre au risque de troubler voire de perdre ses lecteurs. Pourtant, les fidèles lui en sont au contraire reconnaissants... Si lui n'a pas envie d'écrire toujours le même livre, pourquoi aurait-on envie de lire le même livre à chaque fois ?
Cette rencontre passionnante m'a permis de mieux comprendre ce qu'Antoine Bello mettait de lui-même dans ses romans (en tout cas ceux que j'ai lus), une intelligence fine, une approche assez ludique et une belle envie de partage avec ses lecteurs. Ses livres sont tous différents mais ils ont le même ADN.
Merci aux Editions Gallimard et au Cercle Littéraire de la Fnac pour cette belle soirée, ainsi qu'à Pierre Krause de Babelio, intervieweur de choc.
Mes livres d'Antoine Bello lus et chroniqués : Roman américain, Ada, L'homme qui s'envola