Trois premiers romans à lire... dans un hamac.
Parmi les dizaines (la centaine ?) de premiers romans français qui sont passés sous mes yeux depuis janvier, certains me sont tombés des mains, d'autres ont soulevé tant d'enthousiasme qu'ils ont rejoint la sélection des 68 premières fois, d'autres encore ont été vite oubliés. Et puis, il y a quelques sensations positives dont j'ai envie de vous parler ici. Trois romans qui offrent une bulle de douceur, envoient des ondes positives et surtout déposent un sourire au coin des lèvres. Trois histoires et trois styles très différents qui seront des compagnons parfaits pour les heures de sieste des chaudes journées de vos prochaines vacances.
"Il est temps de suivre un régime et d'apprendre à voler" - Michelle Ballanger - Le Rouergue - 280 pages
Allez, avouez que vous êtes intrigué par le titre... Non ? Couverture superbe, titre mystérieux, voilà de quoi attiser la curiosité du lecteur flânant entre les tables d'une librairie. Eh bien sachez que le contenu est bien dans la veine des promesses de la couverture. Une fable, aérienne, joliment tournée, entre conte philosophique et bande dessinée (à cause des images qui jaillissent, très originales, on imagine tout de suite les cases à dessiner près du texte), empruntant parfois à la littérature jeunesse. Il se dégage beaucoup de douceur de cette histoire dont les protagonistes ne sont cependant pas épargnés par les tourments de la vie.
Nous sommes en Roumanie, près de Cluj. Adam est écrivain public hébergé dans les locaux de l'école du village à condition de procéder par troc. Lettres d'amour, de menaces, de réclamation, de rupture... sont échangées contre de la nourriture ou des services, au gré des possibilités de chacun. Adam a été abandonné par sa femme, Héléna qui a préféré chercher en France une vie meilleure avec leur fille Pénélope. Depuis, il héberge Dragos, un homme désespéré par un drame ancien, qui tient une activité de pèse-personne public au service de ses clients qui n'ont pas de balance chez eux. Adam et Dragos vont voir leur vie chamboulée lorsqu'ils croisent la route de Natacha, une jeune Tsigane exploitée par sa famille et qu'ils vont tenter de soustraire à la dure vie qui lui est imposée... Bientôt seront impliqués Stella, qui vit de l'amour des hommes, Corneliu qui rêve d'aller exercer la mécanique en France, Georghiu qui désespère de ramener sa femme partie en voyage en France depuis trop longtemps, Tristan le français qui a fait le chemin à l'envers ou encore Pietru le cardiologue qui veut devenir maire du village.
Il est question de départ et de retour, d'amour et d'amitié, de vies à poursuivre ou à réinventer, de joies et de chagrins. Il est surtout question d'espoir, d'entraide. Et de croire en ses rêves.
C'est charmant, aérien comme une bulle de savon. Très sympa.
"La double vie de Pete Townshend" - Christophe Sainzelle - ETT/Dépendances - 186 pages
Christophe Sainzelle a réussi une double prouesse. M'intéresser à la musique des Who (j'avoue, je suis ignare en la matière) et me faire sourire (voire me toucher) à la lecture d'un roman d'apprentissage, thématique qui me laisse assez froide d'habitude. Peut-être parce que son bouquin est drôlement bien troussé, d'une écriture à la fois enlevée et juste qui sait se faire légère et mise sur une note d'humour pour emporter le morceau.
Je me suis donc attachée avec plaisir aux pas de son héros, le jeune David Barrette persuadé d'être le fils caché de Pete Townshend, le guitariste des Who, groupe dont la tournée est passée par sa ville, Château-Thierry en mai 1966... Pour David, aucun doute, les dates coïncident. Le mari de sa mère n'étant pas son père, ce ne peut être que Pete. Il faut dire qu'une enfance puis une adolescence à Château-Thierry auprès d'une mère pas très marrante et quelque peu dépressive et un beau-père distant... il faut bien trouver quelque échappatoire pour la rendre un peu plus fun. David devient donc un spécialiste de la discographie et de la vie du groupe, tout en subissant les contraintes de n'être "que" David Barrette avec toutes les difficultés que cela implique vis à vis des filles, des études et des relations familiales...
J'avoue que j'ai beaucoup pensé au départ au roman d'Arnaud Friedmann, L'amour est un sport romantique et son héros persuadé d'être le fils de John McEnroe... Mais si le point de départ est similaire, le parti-pris de Christophe Sainzelle est plus léger, son héros faisant de cette filiation une sorte de béquille qui l'aide à grandir et à se trouver. Cerise sur le gâteau, je n'ai pas détesté cette plongée un peu nostalgique dans les années 70-80 moi qui suis de la même génération que le héros.
Enfin je précise qu'il n'est nullement nécessaire de connaître les Who pour apprécier ce livre qui vous laissera par contre une jolie petite musique dans la tête.
"Plage Sainte-Anne" - Joëlle Sancéau - Les éditions du 38
Vous prendrez bien une petite dose de "bretonnitude" ? Ses embruns, ses festivals, son aristocratie et ses plages ? Enfin, une plage en l'occurrence, petit microcosme représentatif d'une société familiale, sa vie, ses plaisirs, ses chagrins, ses coups du sort et ses coups de foudre. Sous la plume de Joëlle Sancéau (bretonne elle-même), on s'y croit. La Bretagne irrigue l'intrigue, sans cliché, avec plein de petits détails qui donnent vie au décor. C'est rapide, on passe d'une scène à l'autre sans aucun temps mort pour entrer dans les vies des quelques habitués de la plage Sainte-Anne et découvrir ce qui ce cache derrière les silhouettes sagement étendues sous les parasols.
En fil rouge, le coup de coeur de Simon, le vendeur de chichis pour la jolie Louise au corps malheureusement traumatisé par un accident. Entre deux séances de rééducation, la belle se laissera-t-elle de nouveau approcher par un jeune homme ? Pendant ce temps, les sujets de discorde ne manquent ni dans la famille de Louise, les Le Doyen dont les différentes branches font face aux aléas de la vie, ni dans celle de Simon, les Penhanscoët de Trémaloir (tout un programme) un nom que le jeune homme préfère laisser de côté pour endosser le costume de son job d'été. Le temps d'un été, la courageuse Sophie fait face à la maladie, Francis découvre le plaisir d'être grand-père, Cyprienne apprend à lâcher prise...
Plage Sainte-Anne est un livre positif qui n'ignore pas les combats que la vie impose parfois de mener. Une lecture qui nous parle de résilience, de l'importance des liens véritables, de l'attention aux autres. Une dose de bienveillance, ça ne peut pas faire de mal. Et si en plus c'est dans un hamac...
Bravo donc à Joëlle, que je connais habituellement sous son nom de blogueuse, Albertine Proust pour ce premier roman qu'on aurait tort de ranger dans la catégorie poids plume. La légèreté est du côté de l'écriture, pas du propos. Alors bon vent à ce Plage Sainte-Anne, qui n'a rien contre le fait d'être lu sur d'autres territoires.