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K.O. - Hector Mathis

18 Août 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"Un roman c'est un ballet, la musique emporte tout et la musique c'est les mots ! On y croise des visages et des silhouettes. Les personnages dansent une chorégraphie qu'ils pensent être la leur, mais en vérité il n'y a que la musique, tout le reste est en fonction, rien n'existe en dehors d'elle. Ils obéissent, voilà tout ! Pour faire résonner la mélodie j'avais des tonnes de mots à faire valser, chuter dans les variations, escalader les clés, les triolets, en percutant les accords jusqu'à la dissonance. Comme le jazz. Tout pareil !"

Et en effet, ça swingue, ça percute, ça dissone ce premier roman. Ça surprend d'abord, soyons honnête, pendant les trente premières pages on se demande dans quoi on est tombé avec ce rythme oppressant, cette langue qui prend ses aises sans aucune précaution vis à vis du lecteur. Qui est donc ce narrateur, abrité dans les dépendances d'un château désaffecté avec un clochard mourant nommé Archibald ? Que fuit-il exactement ? C'est l'objet de l'histoire qu'il raconte à Archibald. C'est une histoire d'urgence, habitée par la colère. L'histoire d'un homme qui tente de fuir la mort, matérialisée par les attentats qui mutilent les capitales européennes, qui trouve refuge à Amsterdam avec sa petite amie, et apprend à jouer avec les mots au contact d'un français, chef d'équipe de l'imprimerie dans laquelle il a trouvé à s'employer. Les mots qu'il avait déjà pour ambition d'assembler pour en faire un roman. Mais pas le temps de souffler. La mort revient cogner à sa porte et cette fois, c'est lui qui est directement visé. L'intrus est dans son propre corps. Désormais, l'urgence le hante.

On ne peut pas rester indifférent à la violence qui se dégage de ce roman, façon d'extérioriser une colère qu'on ne sait plus très bien contre qui diriger. Ce monde qui a perdu le nord ? Le destin qui condamne au hasard et de façon irrémédiable un homme dans la vingtaine ?

"Ma colère. Éjaculation du mauvais sang ! La jouissance de l'insupportable. Dire des mots plus hauts que soi c'est ce qui donne de l'élégance à la médiocrité, de l'épaisseur aux raccourcis".

Il y a une force incroyable dans ce langage à la fois direct, inventif et sans concession, dans cette tonalité syncopée qui ne laisse pas respirer. Ces mots qui cognent, au sens propre comme au figuré et finissent par prendre aux tripes lorsque le lecteur comprend enfin les sensations qui motivent colère et urgence. Oui, c'est un texte singulier, dans lequel on ne se lasse pas de piocher, de souligner, de noter des phrases qui font écho et interpellent. Mais également un texte qui célèbre la littérature, l'amitié et le jazz, comme une façon de garder espoir malgré tout. Pour moi, l'un des premiers romans marquants de cette rentrée, sans aucun doute.

"K.O." - Hector Mathis - Buchet-Chastel - 208 pages

NB : Ce roman fait partie des 10 en lice pour le Prix du Style 2018 dont le lauréat sera désigné le 20 novembre 2018, sous l'égide des libraires de Page des Libraires

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Commenter cet article
N
Ce roman... c'est tout ce que j'aime en littérature...! Boum ! J'essaye d'en parler bientôt quand les mots viendront à moi ;-)
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N
Ah ça bouscule, hein... J'attends tes mots alors :-)
D
Il m'intrigue, celui-là. Nul doute que j'irai le regarder de plus près.
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N
Oui c'est vraiment l'une des plumes qui m'a le plus intéressée par le style et le rythme.
K
Ca percute, mais le style me plairait-il ? Je ne sais...
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N
Très singulier donc difficile de répondre pour toi. Le mieux est peut-être de le feuilleter lorsque tu en auras l'occasion ? Mais c'est sans conteste une plume intéressante à découvrir.