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Fracking - François Roux

8 Septembre 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

J'avoue que je n'avais pas imaginé inscrire François Roux dans la colonne déceptions lors de cette rentrée. J'avais passé de si bons moments avec Le bonheur national brut et Tout ce dont on rêvait que j'ai acheté Fracking les yeux fermés. Je faisais confiance à l'auteur et à ses talents de chroniqueur de notre société pour s'attaquer à l'Amérique de Trump et tirer de ses analyses l'un de ces romans foisonnants dont il a le secret. Malheureusement, cette fois, ça ne marche pas.

En fait, il y a les ingrédients - l'Amérique rurale en rupture avec celle des côtes, l'affrontement entre les tenants du business et ceux du respect de l'environnement, la lutte du pot de terre contre le pot de fer - mais la pâte ne prend pas, il reste des grumeaux là où on voudrait une texture lisse et homogène. François Roux ne réussit pas ce qui faisait la magie de ses précédents romans, l'insertion des destins particuliers dans la grande histoire contemporaine. Bon, essayons de comprendre pourquoi...

L'histoire se tisse autour de la famille Wilson, propriétaires terriens dans le Dakota où Karen et Peter s'occupent d'élevage depuis une trentaine d'années, moment où ils ont décidé de se poser après leurs expérimentations de jeunesse. Problème, les sous-sols regorgent de gaz de schistes et leur ferme est entourée de zones d'exploitations c'est à dire d'extraction par fracturation, le fracking. La cohabitation, on s'en doute est plus que difficile. Leur fille Lisa, étudiante à Chicago revient passer quelque temps chez ses parents après une très longue absence due à une relation compliquée avec sa mère. L'occasion pour elle de revoir quelques amis, dont Joe Jenson, qui a justement réussi grâce au fracking. Un jour, Karen tombe malade et l'analyse de l'eau montre une contamination par diverses substances toxiques. Commence alors un bras de fer avec les géants de l'exploitation des sous-sols, sur fond d'ambitions politiques et d'enjeux économiques.

Ça c'est pour les ingrédients, qui, posés sur la table font plutôt envie. Ce qui ne m'a pas convaincue, c'est la réalisation. Je suis restée perpétuellement en dehors de l'histoire car aucun des personnages ne prenait vraiment corps ; les backgrounds des uns et des autres sont survolés, les caractères sont à peine esquissés et les interactions entre les uns et les autres sont décrétées un peu trop brutalement pour qu'on ait le temps de les intégrer au paysage. Certains passages concernant l'exploitation des hydrocarbures sont même beaucoup trop documentaires et ne contribuent pas à créer le lien nécessaire pour que le mélange prenne comme il faut.

Je crois que cette image de grumeaux dans la pâte est la bonne. Le volet documentaire et les ingrédients romanesques ne sont ni bien dosés ni bien mélangés... Donc, au lieu d'obtenir un roman fort sur la fracture entre deux Amérique (comme annoncé en quatrième de couverture), on a un gros article sur les enjeux et les dégâts de la fracturation hydraulique agrémenté de quelques personnages de roman pour tenter de le rendre plus digeste. C'est vraiment dommage.

Allez... je me dépêche d'oublier celui-ci et j'attends le prochain !

"Fracking" - François Roux - Albin Michel - 268 pages

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E
aïe... je vais le lire dans quelques jours en prévision du Festival America...après "un gentleman à Moscou" d'Amor Towles dans lequel j'ai failli me noyer, j’espérais des lectures profondes et passionnantes, me voilà prévenue !
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N
On ne sait jamais... J'ai aussi prévu d'assister à la rencontre au Festival ; j'ai adoré le Desarthe et il me reste Anne Marie Garat à lire pour être la parfaite bonne élève :-)
M
Cela fait plusieurs années que je tourne autour du Bonheur national brut, je vais donc bien commencer par celui-ci si je comprends bien.
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N
Oh oui, sans hésiter !
M
J'avais repéré ce roman car bien aimé les livres précédents de cet auteur : "Le bonheur national brut" et "Tout ce dont on rêvait". Mais là, je suis un peu refroidie ...
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N
Je n'ai pas vu beaucoup d'autres avis pour le moment, ni sur les blogs ni sur Babelio mais il y en aura certainement...
K
Tu as eu tellement de coups de coeur en cette rentrée littéraire que tu peux bien avoir quelques petites déceptions... Ceci dit je n'ai jamais lu cet auteur.
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N
Comme je lis vraiment beaucoup, il y en a aussi pas mal dont je ne parle pas (déjà que je publie beaucoup, je ne sais pas si ceux qui me suivent supporteraient plus ;-) ).... Si tu dois le lire un jour, alors il faut viser Le bonheur national brut...
L
Ah chnurf, je dois le rencontrer lors du festival America. Pas commencé encore, mais comme on est en phase lors de cette rentrée ... ;)
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N
Tant mieux, vraiment.. Mais je reste quand même avec un arrière goût de "pouvait mieux faire", comme d'ailleurs il l'a déjà montré. Je vais aller l'écouter au Festival America, la table ronde du dimanche matin avec Agnès Desarthe et Anne-Marie Garat.
M
Je viens de le finir, aussi en vue d'une rencontre pour le festival America et j'en ressors moins déçue que toi. Du côté des personnages je comprends ton ressenti, un peu plus de profondeur aurait été le bienvenu. Pour l'aspect documentaire je n'ai pas ressenti cela et au contraire, j'ai beaucoup apprécié découvrir le contexte du roman. Au final, j'ai passé un bon moment avec. ;)
N
En même temps, tu as abandonné le Desarthe alors... (j'ai prévu d'aller voir la rencontre au Festival America qui les réunira d'ailleurs, avec en plus Anne Marie Garat qui est à mon programme des prochaines semaines...)
D
J'avais également dégusté avec plaisir Le bonheur national brut. Peut-être cet échec tient-il au fait que l'auteur - dont je ne connais pas la biographie - est-il moins à l'aise, moins habité par son sujet lorsqu'il parle de l'Amérique ? Ce qui expliquerait le sentiment de survol et de manque de profondeur que tu a eu ?
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N
J'ai pensé à ça, oui. Je crois qu'il vit à New York depuis quelques années pourtant... mais ce n'est pas l'Amérique profonde. Et puis ses précédents étaient vraiment empreints de culture, d'atmosphère françaises, du vécu qui ne s'apprend pas, alors que là, on sent effectivement une distance qui explique peut-être que l'alchimie ne se fasse pas...