Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
motspourmots.fr

La Mort selon Turner - Tim Willocks

13 Octobre 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Polars, #Coups de coeur

Je lis peu de thriller, c'est vrai. Mais lorsque c'est Tim Willocks qui s'y colle, le Tim Willocks du génialissime La Religion, impossible de résister. Et même si l'auteur a ici abandonné la veine historique, nulle déception à l'horizon. La force est là, sèche, brute, d'une efficacité sans faille. La puissance d'évocation également. J'avais écrit en parlant de La Religion que c'était Alexandre Dumas revisité par Tarentino. Cette fois, les références cinématographiques sont à piocher du côté du western. Avec un héros redresseur de torts digne des personnages immortalisés par Clint Eastwood à sa grande époque.

En guise de Far West, l'Afrique du Sud synonyme de violences, de corruption, de ségrégation et de ghettos. Les pauvres arpentent les rues à la recherche de quelques restes dans les poubelles tandis que les riches vivent dans des vastes propriétés à la sécurité plus étudiée qu'à Fort Knox. C'est dans ce contexte qu'un soir, au Cap, une jeune fille SDF est accidentellement écrasée par le 4x4 d'une bande de copains venus s'encanailler dans les quartiers chauds. Ivre, le chauffeur n'a rien vu. Il se trouve être le fils de Margot Le Roux, l'une des femmes les plus puissantes du pays, propriétaire de mines de manganèse qui rapportent des milliards et offrent du travail à des milliers d'individus. De toute façon, une pauvre SDF noire tuée par un riche blanc, qui en a quelque chose à faire ? Personne. Sauf Winston Turner, inspecteur à la brigade criminelle. Noir mais surtout épris de justice et marqué à jamais dans sa chair par les atrocités dont il a été témoin dans les affrontements qui opposent depuis tant d'années les communautés. Rapidement sur les traces de Dirk Le Roux, Turner va se trouver confronté à un mur de violence et de cruauté de la part d'individus prêts à tout pour sauvegarder le moindre pouce de leur territoire.

La réussite de ce thriller est d'abord à mettre au crédit de sa justesse de ton. Immédiatement, tout sonne bien. On s'y glisse sans peine, pas de décalage horaire ni choc thermique (enfin pas encore). J'ai avalé d'un coup les 150 premières pages, complètement captée par l'atmosphère installée tranquillement par Willocks et immédiatement en empathie avec ce Turner, dernier rempart d'une justice équitable qui n'oublierait personne. Le contexte sociétal et politique apparait par bribes, bien présent en toile de fond et à l'origine des situations des uns et des autres, mais ce sont les caractères qui intéressent l'auteur. Leurs forces et leurs failles. La sensation d'impunité de certains. L'égoïsme et le cynisme de quelques autres. A commencer par la hiérarchie policière. L'affrontement entre Turner, isolé dans son entêtement à vouloir rendre justice et le clan Le Roux va être terrible, sur un territoire aux conditions inhumaines, dans le nord du pays, un désert à l'aridité extrême. Heureusement, notre héros bénéficie des connaissances de l'auteur, grand maître d'arts martiaux et également psychiatre (ceci expliquant cela) ... et nous enseigne au passage comment survivre en plein désert là où n'importe qui devrait mourir en quelques heures, un moment d'anthologie dont on n'a certainement pas fini d'entendre parler.

On appréciera dans tout ce noir, la petite touche de romantisme qui offre une minuscule lueur d'espoir pour l'avenir du monde. Je suis vraiment impressionnée par la maîtrise de Tim Willocks qui livre des scènes magistralement cinématographiques, sublimées par la puissance de l'étude psychologique des personnages. Dans le genre c'est tout simplement grandiose.

"La Mort selon Turner" - Tim Willocks - Sonatine - 380 pages (traduit de l'anglais par Benjamin Legrand)

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Je sus en train de le lire, et comme toi, j'ai pensé à Tarantino.
Répondre
N
Ce bouquin est vraiment extra, ça faisait longtemps que je ne m'étais pas enthousiasmée pour un vrai polar/thriller/noir en dehors de mes auteurs de prédilection. Tim Willocks est incroyablement doué.
E
pas encore lu ce roman - alors que je lis quasiment toutes les publications de Sonatine! - mais ton billet donne vraiment envie !
Répondre
N
Il vient juste de sortir mais tu vas vite rattraper cet oubli :-)
D
Curieusement, je serais plus tentée par celui-ci que par ses précédents, alors que j'apprécie les romans historiques. Mais je m'étais laissée dire qu'ils étaient très sanguinolents... Toute la question est : qu'en est-il de celui-ci ?
Répondre
N
Ah alors je vais avoir des difficultés à évaluer ton degré de résistance ;-)
D
Ah oui mais, justement, je n'ai jamais regardé ni l'un ni l'autre !
N
En effet, celui que j'ai lu, La Religion, ne lésinait pas sur les détails dans les scènes de combats (à l'épée et à toutes sortes d'outils tranchants... tu vois le genre... D'où ma référence à Tarentino :-) ) ; ici, moins d'hémoglobine mais néanmoins quelques scènes très spéciales qui peuvent faire fuir les âmes trop sensibles. Mais ce n'est pas pire que regarder un épisode d'Urgences ou de de Grey's Anatomy :-)
A
J'ai entendu beaucoup de bien de cet auteur, mais je n'ai pas encore trouvé l'occasion de le lire.
Répondre
N
Les précédents sont des pavés très imposants dans la veine historique ; peut-être que celui-ci est un bon moyen, abordable pour faire connaissance.
E
Merci pour cet article complet et précis ; je le mets sur ma wishlist ! Excellent dimanche.
Répondre
N
Merci Eliane, bonne future lecture alors et bon dimanche à vous également !
D
excellent article, qui donne vraiment envie de lire ce livre !
Répondre
N
Merci ! J'espère que vous passerez un bon moment en compagnie de Turner :-)