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Dans la forêt - Jean Hegland

1 Novembre 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

J'ai lu tellement de bien sur ce livre, des coups de cœur en pagaille, des superlatifs à tout va que j'ai fini par avoir une certaine appréhension. Qui m'en a tenue à l'écart. Jusqu'à ce que j'écoute Jean Hegland au Festival America, aux côtés de Richard Powers (L'Arbre-Monde)... Me voilà donc repartie avec la très jolie édition Totem de Gallmeister (ça valait le coup d'attendre) et plongée à mon tour dans ce roman à plusieurs dimensions, écrit il y a déjà vingt ans.

On ne sait pas vraiment ce qui est à l'origine de la situation à laquelle Nell et Eva, les deux jeunes héroïnes doivent faire face. Un beau jour, tout s'est arrêté. Tout ce qui faisait la civilisation et organisait les modes de vie. Plus d'électricité... D'autres écrivains sont passés par là, Barjavel notamment donc on en connait les effets : sans électricité, plus rien ne fonctionne, moyens de communication, d'approvisionnement, de transport... Bref. La famille des deux sœurs avait déjà opté pour un mode de vie plus proche de la nature et s'était installée loin de la ville, dans la forêt du nord de la Californie. Mais sans renoncer non plus à la modernité. Nell et Eva perdent d'abord leur mère, gravement malade. Puis leur père, victime d'un terrible accident. Seules, elles vont devoir apprendre à survivre et pourquoi pas à s'inventer une nouvelle vie. Et pour cela, apprivoiser cette forêt dont elles ignorent tout malgré leur proximité.

En mettant en scène ces deux adolescentes, Jean Hegland donne à leur apprentissage, plusieurs dimensions, bien loin des préoccupations habituelles de leur âge qu'elles n'ont fait qu'effleurer avant la chute. Ce qui était simple : se nourrir, se déplacer, se chauffer, se protéger... devient un casse-tête. Se résigner à ce que la vie ne soit plus jamais pareille est un long processus qui passe par différentes étapes plus ou moins douloureuses. Assumer l'isolement, le tête à tête permanent avec une seule et même personne, fut elle sa sœur n'est pas non plus très évident. Nell, la narratrice et également la plus jeune des sœurs est la première chercher d'autres voies... Pour cela elle se plonge dans les livres qui garnissent les pièces de la maison et dans lesquels elle va trouver des ressources pour explorer les pistes de survie que la nature lui offre. Remonter aux origines. Retrouver les savoirs des peuples primitifs. Faire corps avec cet environnement, la terre, la forêt dont les richesses sont offertes à qui veut bien les voir. 

"J'ai vécu dans une forêt de chênes toute ma vie et il ne m'est jamais venu à l'esprit que je pouvais manger un gland"

On lit Dans la forêt avec la sensation de plonger dans un monde nouveau, aux possibilités multiples alors qu'il s'agit d'un monde existant que nous choisissons d'ignorer. Pire, de détruire comme le montre Richard Powers dans L'Arbre-Monde. Comme dans Ravage, l'auteure dresse le procès de cette civilisation du progrès qui imagine maîtriser le monde... jusqu'à ce que son orgueil et sa suffisance lui reviennent en pleine face. On pourra critiquer la leçon de morale, bien sûr ou choisir de se remettre un peu en question. Quoi qu'il en soit, voilà un roman qui invite à la réflexion tout en offrant un beau plaisir de lecture et l'envie de s'intéresser enfin à ces arbres qui nous entourent.

"Bien sûr ce genre de choses arrive tout le temps. J'ai suffisamment étudié l'histoire pour le comprendre. Les civilisations périclitent, les sociétés s'effondrent et de petites poches de gens demeurent, rescapés et réfugiés, luttant pour trouver à manger, pour se défendre de la famine et des maladies et des maraudeurs tandis que les herbes folles poussent à travers les planchers des palais et que les temples tombent en ruine. Regardez Rome, Babylone, la Crète, l'Egypte, regardez les Incas ou les Indiens d'Amérique. (...) Pensez aux photos des survivants au milieu des décombres. (...) et demandez-vous comment nous avons pu être aussi suffisants".

"Dans la forêt" - Jean Hegland - Gallmeister - 312 pages (traduit de l'américain par Josette Chicheportiche)

 

 

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A
J'en garde un souvenir enchanté ! Un de ces livres qu'on oublie pas et qu'on a envie de partager.
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N
Effectivement, un livre marquant !
K
Clara n'a pas vécu dans une grotte, mais a fait une coupure blog, ce n'est pas plus mal pour apprécier un roman. On en a tellement parlé que je n'ai pas vraiment accroché
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N
C'est le risque... moi ça m'avait fait hésiter et finalement je ne regrette pas. Pas un coup de coeur mais une lecture qui s'inscrit dans mes préoccupations actuelles.
N
Beaucoup beaucoup aimé cette lecture !
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N
Je crois que je me souviens de ton billet de l'époque qui avait attiré mon attention :-)
E
je l'ai adoré! ravie que tu l'aies enfin lu et qu'il t'ait plu également, même si ce n'est pas un coup de coeur
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N
Il est très bon et marquant... Peut-être que si je l'avais lu dès sa parution, ç'aurait été un coup de cœur, va savoir...
C
Je n'ai jamais entendu parler de ce livre ( il faut croire que j'ai vécu dans une grotte pendant 2 ans:))
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N
Oh c'est vrai ? Je pense qu'il est sorti en 2017 en France et l'édition de poche il y a quelques mois... Gros buzz sur le coup (plus de 300 chroniques sur Babelio quand même...). Ravie que tu sortes de ta grotte en tout cas !
E
pareil j'ai adoré. J'ai eu la chance de discuter avec l'auteur au Festival America et de l'écouter, au côté de Richard Powers - elle n'a jamais réfléchi à "la fin du monde" elle voulait juste suivre deux soeurs isolées et ce retour avec la nature. J'ai beaucoup aimé ses mots, et puis ce roman a plus de vingt ans et il n'a pas pris une ride ;-)
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N
Nous avons assisté à la même conférence alors... :-) En fait, si ce roman n'a pas pris une ride je pense que c'est parce qu'il résonne vraiment avec l'actualité et les alertes environnementales, ce qui était moins flagrant il y a 20 ans... Il y a un questionnement sur la place de l'homme dans la nature auquel on prête un peu plus attention à présent.
C
Oui ! Je me souviens t'en avoir parlé suite à une chronique d'un roman postapocalyptique que j'ai oublié. Celui-ci résonne encore... Magnifique !
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N
Il mérite sans conteste tous les projecteurs qu'on a braqués sur lui ; mais ce n'est pas un coup de cœur.
E
Mon énorme coup de cœur de l'année dernière.
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N
Je comprends. Il y a énormément de coups de cœur ou d'avis très positifs sur Babelio aussi. Pour moi c'est une très bonne lecture mais pas un coup de cœur à proprement parler. Disons une lecture qui s'inscrit dans un ensemble sur ce thème et qui apporte sa pierre à l'édifice.