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L'autre qu'on adorait - Catherine Cusset

28 Novembre 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

J'ai longtemps hésité avant de me lancer dans l'écriture de ce billet. Parce que je suis sortie de cette lecture avec un sentiment très rare : la détestation. Rare, oui. Il y a les livres qui m'ennuient, ceux qui m'indiffèrent, ceux que j'abandonne. Je parle volontiers de ceux qui m'ont séduite, touchée, émue, amusée. De mes coups de cœur. De mes déceptions parfois, lorsqu'il s'agit d'un auteur que j'apprécie et dont j'attends mieux. Alors mon premier réflexe a été de le jeter dans un coin et de l'oublier. Et puis, j'ai réfléchi. Je me suis dit que la détestation, c'est quand même un truc fort. Un peu comme la haine par rapport à l'amour fou. On est dans l'extrême. Or, ce qui provoque une telle sensation ne manque pas d'intérêt.

Il est vrai que ce livre ne m'attirait pas. Même en ayant lu avec plaisir deux ou trois autres ouvrages de Catherine Cusset, je ne suis pas une inconditionnelle. Et là, le sujet ne m'inspirait pas. Je me suis décidée à le lire parce qu'il a été plébiscité par la grande communauté des blogueurs pour la première édition de L'été en poche organisée par Le Grand Prix des Blogueurs Littéraires. Et puis, sur un thème assez proche, j'ai lu en septembre Avec toutes mes sympathies d'Olivia de Lamberterie qui m'a bouleversée malgré mes réticences de départ.

Jusqu'à présent, le fait que Catherine Cusset puise très largement dans sa propre vie pour tisser les intrigues de ses romans ne m'avait pas particulièrement gênée. Question de distance peut-être, ou de thème central. Elle m'avait d'ailleurs souvent fait sourire. Ici, j'ai tout de suite été mal à l'aise. Par le ton employé, l'écriture très sèche d'où se dégage une sorte de dureté. Je m'attendais à un hommage à un ami disparu tragiquement. Je n'ai ressenti que de la méchanceté et du mépris dans le regard porté par la narratrice sur son "cher ami". La façon dont elle dépeint Thomas, dont elle présente ses échecs et ses états d'âme (on devine très tôt le diagnostic qui sera posé bien plus tard) m'a vraiment heurtée. L'usage du "tu" amplifie ce ressenti ; on s'attend avec ce pronom à de la proximité, de la chaleur, de l'empathie... Or, c'est tout le contraire. Ça m'a glacée. La jalousie de la narratrice envers cet homme trop brillant, qui fut son amant, l'ami de son frère avant de devenir le sien est assez difficile à lire à froid. Mais je n'ai pas lâché, j'ai continué à lire en me disant qu'il y aurait sûrement une petite lumière à la fin, une petite étincelle d'amour qui justifierait ce cheminement...

Mais non. Ce texte est là pour nous livrer l'agacement de la narratrice face à cet ami plus brillant qu'elle mais incapable d'en faire quelque chose à la hauteur de son potentiel. Il avait des excuses pourtant. Et ce ne sont pas les trois dernières lignes qui expriment un presque regret qui changent la perception globale du livre. D'ailleurs, en écrivant ce billet, je perçois de nouveau le malaise qui a accompagné ma lecture. Je ne suis pas pour les bons sentiments en littérature, c'est souvent sur les mauvais que l'on bâtit les meilleurs romans. Mais là, je me sens plutôt mal pour cet homme qui, même mort, est jeté tout nu en pâture à des tas de gens qu'il ne connaissait pas.

Ce roman est tout le contraire du livre d'Olivia de Lamberterie. Je n'y ai pas trouvé une once de sympathie ou de tendresse ; peut-être que l'auteure, en exposant ainsi ses "mauvais sentiments" a cherché l'absolution ? En tout cas, moi, cette lecture a pour effet de ne plus me donner envie de la lire à l'avenir...

"L'autre qu'on adorait" - Catherine Cusset - Folio (Gallimard) - 324 pages

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E
Il est sur ma liste depuis qu'il a été plébiscité par les blogueurs mais après t'avoir lue je pense que je vais le rayer.
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N
Ou si tu en as l'occasion tu pourras te faire ta propre opinion et voir dans quel camp tu te ranges :-)
M
C'est rare en effet de ressentir un tel sentiment de rejet...je passe mon tour alors :)
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N
Rare oui, mais pas isolé. Ceci dit, la majorité des avis sont très positifs alors...
L
Oui, c'est rare ce sentiment de détestation mais intéressant à analyser.
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N
C'est ce que je me suis dit :-)
D
Eh ben ! Tu ne mâche pas tes mots... et, tu l'imagines, j'aime bien ça ! Car je suis comme toi, et je partage tout ce que tu dis dans le premier paragraphe de ton billet, la détestation est un sentiment très fort qui témoigne forcément de quelque chose qu'il est intéressant de comprendre.<br /> Bon, à part ça, je n'avais déjà pas vraiment envie de lire ce livre, tu penses bien que là...
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N
Comme quoi, il faut se fier à son instinct même si on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise... (mais bon, avec les années on a tendance à se connaître un peu soi même...). J'arrive à comprendre ce que j'ai ressenti, par contre, malgré les quelques billets enthousiastes que j'ai lus, je n'arrive pas à comprendre ce qui a touché ceux qui ont aimé ce livre.
K
Aaah là je vis parler d'abandons (ce qui explique que parfois il n'y a pas trop d'avis négatifs sur les blogs) Celui de Ferrier, très (ou trop) bien écrit, mais c'est à toi de voir.<br /> Quant à Cusset, j'en ai lu plusieurs, j'aime bien en général, mais celui dont tu parles j'ai abandonné pour une autre raison, je pressentais (à tort?) de devoir zapper les passages sur 'les années 80 bien détaillées) et ça me gavait d'avance. Je n'aime pas quant un auteur flanque dans u n roman tro p de 'documentation'. Ou alors j'ai un problème avec les années 80? ^_^
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N
Effectivement, le road-trip années 80 est aussi agaçant mais pour moi c'est resté en arrière-plan par rapport à un sentiment d’écœurement face à la façon dont elle parle de cet homme, que j'ai trouvée méchante, impudique et qui ressemble à tout sauf à un hommage (cf bandeau rouge ???!!!!). Et puis ce style, froid, sec... brrr...
I
Merci pour ce billet qui m'a soulagée. Je n'ai pas aimé ce livre non plus. Déjà, j'ai du mal avec l'utilisation du "tu" dans un roman et puis je n'ai pas compris la démarche de l'auteure. Du mépris ? Du dépit ? Je suis comme vous, je l'ai laissé dans ma pile de livres en attente de chroniques (il sera sans doute classé dans la rubrique "on peut s'en passer"). Vous avez fort bien analysé le sentiment de malaise que les lecteurs peuvent éprouver.<br /> Dans l'esprit de que j'appellerais "les livres de deuil", je viens de terminer "François, portrait d'un absent" de Michaël Ferrier, beaucoup plus subtil et douloureux que celui de C. Cusset.
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N
Je viens d'aller regarder les critiques sur Babelio et je m'aperçois que nous ne sommes pas des cas isolés même si minoritaires.... Autant parfois je n'aime pas un livre mais je parviens à voir ce qu'ont pu y voir ceux qui l'ont aimé, autant là, j'ai du mal. Mais ce sont les mystères de la littérature et de l'alchimie d'une rencontre entre un texte et ses lecteurs.