L'autre qu'on adorait - Catherine Cusset
J'ai longtemps hésité avant de me lancer dans l'écriture de ce billet. Parce que je suis sortie de cette lecture avec un sentiment très rare : la détestation. Rare, oui. Il y a les livres qui m'ennuient, ceux qui m'indiffèrent, ceux que j'abandonne. Je parle volontiers de ceux qui m'ont séduite, touchée, émue, amusée. De mes coups de cœur. De mes déceptions parfois, lorsqu'il s'agit d'un auteur que j'apprécie et dont j'attends mieux. Alors mon premier réflexe a été de le jeter dans un coin et de l'oublier. Et puis, j'ai réfléchi. Je me suis dit que la détestation, c'est quand même un truc fort. Un peu comme la haine par rapport à l'amour fou. On est dans l'extrême. Or, ce qui provoque une telle sensation ne manque pas d'intérêt.
Il est vrai que ce livre ne m'attirait pas. Même en ayant lu avec plaisir deux ou trois autres ouvrages de Catherine Cusset, je ne suis pas une inconditionnelle. Et là, le sujet ne m'inspirait pas. Je me suis décidée à le lire parce qu'il a été plébiscité par la grande communauté des blogueurs pour la première édition de L'été en poche organisée par Le Grand Prix des Blogueurs Littéraires. Et puis, sur un thème assez proche, j'ai lu en septembre Avec toutes mes sympathies d'Olivia de Lamberterie qui m'a bouleversée malgré mes réticences de départ.
Jusqu'à présent, le fait que Catherine Cusset puise très largement dans sa propre vie pour tisser les intrigues de ses romans ne m'avait pas particulièrement gênée. Question de distance peut-être, ou de thème central. Elle m'avait d'ailleurs souvent fait sourire. Ici, j'ai tout de suite été mal à l'aise. Par le ton employé, l'écriture très sèche d'où se dégage une sorte de dureté. Je m'attendais à un hommage à un ami disparu tragiquement. Je n'ai ressenti que de la méchanceté et du mépris dans le regard porté par la narratrice sur son "cher ami". La façon dont elle dépeint Thomas, dont elle présente ses échecs et ses états d'âme (on devine très tôt le diagnostic qui sera posé bien plus tard) m'a vraiment heurtée. L'usage du "tu" amplifie ce ressenti ; on s'attend avec ce pronom à de la proximité, de la chaleur, de l'empathie... Or, c'est tout le contraire. Ça m'a glacée. La jalousie de la narratrice envers cet homme trop brillant, qui fut son amant, l'ami de son frère avant de devenir le sien est assez difficile à lire à froid. Mais je n'ai pas lâché, j'ai continué à lire en me disant qu'il y aurait sûrement une petite lumière à la fin, une petite étincelle d'amour qui justifierait ce cheminement...
Mais non. Ce texte est là pour nous livrer l'agacement de la narratrice face à cet ami plus brillant qu'elle mais incapable d'en faire quelque chose à la hauteur de son potentiel. Il avait des excuses pourtant. Et ce ne sont pas les trois dernières lignes qui expriment un presque regret qui changent la perception globale du livre. D'ailleurs, en écrivant ce billet, je perçois de nouveau le malaise qui a accompagné ma lecture. Je ne suis pas pour les bons sentiments en littérature, c'est souvent sur les mauvais que l'on bâtit les meilleurs romans. Mais là, je me sens plutôt mal pour cet homme qui, même mort, est jeté tout nu en pâture à des tas de gens qu'il ne connaissait pas.
Ce roman est tout le contraire du livre d'Olivia de Lamberterie. Je n'y ai pas trouvé une once de sympathie ou de tendresse ; peut-être que l'auteure, en exposant ainsi ses "mauvais sentiments" a cherché l'absolution ? En tout cas, moi, cette lecture a pour effet de ne plus me donner envie de la lire à l'avenir...
"L'autre qu'on adorait" - Catherine Cusset - Folio (Gallimard) - 324 pages