La croisière Charnwood - Robert Goddard
Quand Robert Goddard se mêle de croisière, on imagine bien que ce ne sera pas de tout repos. J'avoue que depuis ma lecture de Heather Mallender a disparu, je suis à l'affût de toute nouvelle parution du Monsieur que Sonatine a la bonne idée de publier en France. J'aime sa façon très britannique de distiller un suspense machiavélique, tout en subtilité, en retournements de situation et en fine étude de la psychologie des personnages. Les neurones ne sont pas ménagés, et le voyage peut s'avérer très surprenant. Avantage : vous ne pensez plus du tout à vos petits tracas du quotidien.
Ici encore, la situation de départ semble assez simple. Deux amis, comparses devrait-on dire embarquent sur un paquebot transatlantique afin de rejoindre l'Angleterre. Nous sommes en 1931, Guy et Max viennent de passer neuf ans à New York, terre de fortune à qui sait saisir les opportunités mais ils fuient les problèmes potentiels qu'une dernière opération financière pourrait leur causer. La bourse se remet difficilement du krach de 1929 et les deux aventuriers ont le feu aux fesses. Une opportunité de se refaire se présente sur le bateau en la personne de la très belle Diana Charnwood, riche héritière réputée inaccessible et dotée d'un père à la tête d'une belle fortune, qui veille jalousement sur ses intérêts. Guy et Max ont un mode opératoire qui a déjà fait ses preuves : séduire la jeune femme et négocier ensuite avec le père les conditions financières d'une rupture. Tout semble se dérouler parfaitement, Max et Diana ne se quittent plus et, une fois débarqués en Angleterre, Guy ne tarde pas à être contacté par Fabian Charnwood pour enclencher les négociations...
Mais voilà, avec Robert Goddard, on est ici au dixième du livre... Alors vous imaginez bien que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Personne n'est vraiment ce qu'il semble être et dès que l'on pense avoir saisi quelque chose, paf ! Nous voilà détrompés à la page suivante. Chez l'auteur, les apparences sont bien sûr trompeuses mais le contexte revêt toujours une importance primordiale. Il explore les zones d'ombres de la situation politique de l'Angleterre, et notamment sur la période qui entoure la Grande Guerre (on sait l'énorme plaie que représente cette guerre pour les britanniques) ; période propice aux secrets, aux mensonges, aux cyniques et aux opportunistes. Ces thèmes se trouvent déjà dans plusieurs de ses romans ce qui ne l'empêche pas de bâtir ici une des intrigues machiavéliques dont il a le secret. Et le lecteur de voguer de mensonge en faux-semblants, de New-York à Dublin en passant par Venise et la campagne anglaise, se demandant quand l'auteur va enfin avoir pitié de lui et lui laisser entrevoir la vérité.
Une lecture addictive et distrayante, pas si innocente. Je n'en attendais pas moins de Robert Goddard.
"La croisière Charnwood" - Robert Goddard - Sonatine - 456 pages (traduit de l'anglais par Marc Barbé)
Lu via Netgalley