Tout ce qui nous submerge - Daisy Johnson
C'est toujours une expérience intéressante de partir sur les traces d'une nouvelle pépite de la littérature. Finaliste du Man Booker Prize à même pas trente ans... Britannique en plus. J'ai donc ouvert ce premier roman avec une belle envie et je l'ai refermé avec une impression très mitigée. J'y ai trouvé une écriture élégante, une ambition, un sens indéniable de la description. Mais je me suis surprise à rattraper mon esprit qui avait tendance à s'échapper, un peu perdu dans les méandres et les circonvolutions d'une intrigue peut-être un peu trop délayée...
En même temps, c'est un livre liquide, dont le fil rouge est une rivière et dont le titre annonce la couleur. L'eau est omniprésente, c'est peut-être pour cela que j'ai parfois eu la sensation de me noyer. Jusqu'à l'âge de seize ans, Gretel a vécu avec sa mère, Sarah, sur une péniche. Et puis un jour, Sarah l'a abandonnée et s'est volatilisée.
"Les enfants sont supposés quitter leurs parents. C'est comme ça que ça doit se passer. Quand on devient parents, il faut accepter ça, quoi que ça implique. En revanche, les parents ne sont pas supposés quitter leurs enfants".
A trente-deux ans, Gretel est lexicographe, les mots figurent son quotidien mais ne répondent pas aux questions qui la taraudent. Alors, quand elle retrouve Sarah, elle tente de remplir les trous de sa mémoire, de trouver des explications à certaines images imprimées sur sa rétine. Sauf que l'esprit de Sarah se fait la malle et que ses douleurs semblent enfermées à jamais dans ce corps qui la lâche peu à peu... Le lecteur est invité à plonger dans le passé par l'intermédiaire de chapitres qui alternent entre le récit de Gretel sur la traque qui l'a menée à Sarah et les souvenirs de Gretel sur le temps où elles vivaient sur la rivière ; et puis revient régulièrement au présent où se déroule le dernier face à face entre la mère et la fille. Des personnages apparaissent. Marcus, Fiona, Roger, Laura, Charlie, Margot. Reste à éclaircir leurs rôles et à trouver un sens à toute cette histoire dont la famille et l'identité semblent être au cœur.
Et pour être honnête, j'ai eu envie de comprendre, de remettre moi aussi de l'ordre dans les souvenirs de Gretel, d'élucider la source de la souffrance de Sarah et de les aider à combler les trous. Et j'ai trouvé, en arrivant au bout de cette histoire que l'auteure faisait effectivement preuve d'une belle maitrise dans la construction. Mais peut-être trop justement. Car je ne suis jamais entrée en empathie avec l'un ou l'autre des personnages, je n'ai pas été emportée, je suis restée sans émotion et l'emboîtement des pièces du puzzle n'a pas suffi à me satisfaire. Ce qui est donc très personnel. Mais peut-être tout simplement que l'univers singulier (car il y a un vrai univers, ça c'est sûr) que fait naître Daisy Johnson ne correspond pas à ma sensibilité.
Me restent une belle écriture, une puissance d'évocation et l'impression d'avoir rencontré une vraie plume avec laquelle je ne serais pas contre retenter l'aventure à l'avenir.
"Tout ce qui nous submerge" - Daisy Johnson - Stock La cosmopolite - 324 pages (traduit de l'anglais par Laetitia Devaux)