Le Procès du cochon - Oscar Coop-Phane
4 Mars 2019 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
A force de traiter certains hommes de cochons ou de porcs (et là, j'avoue que souvent, en voiture, je ne me prive pas...), on a pris l'habitude de penser que l'espèce humaine était forcément supérieure, pas seulement aux espèces porcines mais globalement à l'ensemble des animaux. Alors, de temps en temps, quand un écrivain propose de décaler un poil la perspective, ça permet de réfléchir un peu et de se demander qui, de l'homme ou du cochon est le plus...
...mais le plus quoi ? Intelligent ? Éduqué ? Sale ? Cruel ? Oscar Coop-Phane est certainement de ceux qui pensent qu'une bonne fable vaut mieux qu'un long discours. Alors il trousse en une centaine de pages une histoire inspirée des pratiques anciennes, lorsque entre le 12ème et le 18ème siècle, en Europe, les hommes jugeaient parfois des animaux. Oui. Lors de vrais procès. Puisqu'aucun d'entre nous n'était là pour y assister, l'auteur nous le raconte, avec un sens du détail et de l'observation qui rendent le procès de ce cochon captivant et inspirant.
Il faut dire que l'accusé a commis un meurtre. La victime : un nourrisson bien innocent, endormi dans son berceau, dans le jardin devant la maison. Les faits : le cochon s'est approché, a humé puis mordu les joues et l'épaule du bébé qui s'est vidé de son sang et est mort des suites de ses blessures. Résultat : le cochon est arrêté, emprisonné puis jugé. La police enquête, le peuple réclame vengeance, un avocat est commis d'office, le bourreau prépare ses instruments et affine sa mise en scène. Le lecteur, lui, assiste en cinq actes et avec un certain malaise à ce spectacle.
Car ce qui est particulièrement bien fait c'est que le cochon n'est pas nommé ainsi pendant près de la moitié du livre. Le lecteur a beau savoir dès le début qu'il s'agit d'une bête, la façon dont l'auteur dessine l'action et le personnage est suffisamment ambiguë pour intriguer et créer une curieuse sensation. Accentuée par la perfection de la langue qui s'attache à décrire avec sobriété et grand sérieux les différentes étapes, entrainant ainsi une farandole de questions. Qui est le plus barbare ? Celui qui serait une bête dénuée de raison et donc d'intention de nuire ? Ou celui qui réclame du sang pour venger le sang ?
C'est bien un miroir que nous tend cette courte fable qui interroge non sans une certaine férocité, la réalité de la nature humaine. Car ce n'est pas tant d'animal dont il est question (même si la sympathie du lecteur est tout acquise au pauvre accusé et que la façon dont il est traité renvoie à bien des questions actuelles) mais bien de l'attitude des hommes face à l'altérité et à la différence. Animales ou pas.
Troublant et instructif.
"Le Procès du cochon" - Oscar Coop-Phane - Grasset - 128 pages
Je vous invite à écouter la chronique de Clara Dupont-Monod, toujours tentatrice.
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