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Middlemarch - George Eliot

1 Mai 2019 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Il a fallu trouver le bon créneau pour enfin m'immerger dans ce beau pavé (1100 pages, et je vous prie de croire que les pages sont denses) qui m'attendait tranquillement sur une étagère et que je débarrassais régulièrement de la fine couche de poussière qui finissait par le recouvrir. Un beau bébé dans lequel, à mon avis, il faut plonger presque en apnée afin de se laisser transporter dans cette bourgade du centre de l'Angleterre, presque 200 ans en arrière. Si George Eliot l'a publié en 1871 et 1872 (d'abord en huit parties), l'action se situe autour de 1830 et met en scène une communauté foisonnante d'où émergent quelques figures dont celle de Dorothea Brooke, étonnante héroïne que l'on soupçonne très inspirée de l'auteure elle-même d'après la passionnante notice qui complète cette édition et apporte quelques éclairages bienvenus.

Il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour me réacclimater au style du 19ème siècle. C'est toujours assez troublant ce passage du contemporain au classique. Il m'a fallu me réadapter au temps long, si nécessaire pour l'observation des caractères. Mais très vite, je me suis laissé glisser et emporter par le savoir-faire de la romancière qui déroule une intrigue extrêmement riche à partir d'ingrédients classiques - les relations de couple, les relations sociales - mais sublimée par un sens de l'observation aigu, une plume caustique, un humour teinté d'une pointe d'ironie et une construction impressionnante. Elle décortique avec malice et intelligence les relations hommes - femmes en mettant en scène des héroïnes aux personnalités variées à commencer par les sœurs Brooke. Célia, la plus jeune se conforme en tous points à ce que l'on attend d'une jeune fille de son rang : un mariage convenable et un épanouissement idéal dans la maternité. Dorothea, l'aînée porte son dévolu sur M. Casaubon, un homme austère, beaucoup plus âgé qu'elle mais dont elle idéalise l'investissement intellectuel et l'ouverture. Dorothea voudrait agir, peser sur le monde... ce qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour pour les femmes. Elle débute donc sur une erreur d'appréciation.

George Eliot aborde avec Middlemarch tous les sujets concernant la vie d'une ville de province et notamment la politique ou encore l'influence des églises sur la vie de la communauté. Commerce, santé, sciences, agriculture, finance... la toile de fond est d'une richesse remarquable, les interactions, les théories particulièrement fouillées et contextualisées. Lutte des classes, héritages, escroqueries, vindicte populaire, rumeurs... on ne s'ennuie pas un instant auprès des habitants de Middlemarch entre ceux qui guettent un héritage, ceux qui guettent le voisin et ceux qui guettent la meilleure opportunité. Impossible de parler de tous les protagonistes, ils sont nombreux et ont tous un rôle dans la gigantesque fresque que dessine l'auteure. Si le décor prend un peu de temps à se mettre en place (il y a du monde à présenter), on avance ensuite dans un crescendo qui rend le livre impossible à lâcher. Dorothea réussira-t-elle à lier amour et accomplissement intellectuel ? Les qualités de médecin de Lydgate seront-elles enfin reconnues à leur juste valeur ? Fred Vincy finira-t-il par choisir un métier et mériter Mary Garth ? Will Ladislaw sera-t-il rétabli dans ses droits ? Ce qui est impressionnant c'est la méticulosité et la richesse avec laquelle chaque protagoniste est superbement campé. On n'ignore rien de ses motivations, de ses états d'âmes et de ses revirements. Et surtout, il y a ce ton très particulier, mélange de malice, d'intelligence et d'ironie qui prend parfois le lecteur à témoin créant ainsi une complicité délicieuse.

Alors, faut-il lire Middlemarch ? Oui, cent fois oui ! Les romancières anglaises de ce siècle sont décidément très fortes. Après Jane Austen, Elizabeth Gaskell, les sœurs Brontë, j'ai goûté avec gourmandise à la plume de George Eliot. Et je vais m'empresser d'en apprendre plus sur elle en m'attaquant prochainement au livre que Mona Ozouf lui a récemment consacré : L'autre George. On en reparle donc bientôt par ici. Mais si vous cherchez un pavé pour l'été, vous l'avez !

"Middlemarch" - George Eliot - Folio classique - 1154 pages

 

 

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R
oh cela semble etre toute une bien belle saga....ouiiii
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N
C'est effectivement une belle aventure romanesque, très foisonnante, de quoi passer de longues heures en immersion.
B
Heureuse de voir que le cercle des Eliotistes s'agrandit ! J'aime ce roman de George Eliot et Dorothy est comme une amie pour moi. Je viens de terminer Silas Marner et j'entame Daniel Redonda.<br /> Bon week end.
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N
Je vais essayer de continuer mon exploration également, au moins en lire un deuxième avant d'attaquer le livre de Mona Ozouf... Il est vrai que le personnage de Dorothy est de ceux qui vous accompagnent un bon moment.
M
Je n'ai pas encore eu le courage de m'y attaquer mais pourquoi en été quand la chaleur est telle qu'on ne peut plus sortir de la maison...Merci pour cette belle critique
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N
Le tout je pense est de choisir un moment où l'on pourra s’octroyer de longues plages de lecture...
P
J'ai beaucoup aimé aussi, même si je trouve qu'il y a quelques longueurs. Comme tu le dis, il faut prendre le temps de s'immerger totalement dans cette histoire foisonnante pour l'apprécier totalement. Le XIXe siècle anglais est vraiment plein de pépites littéraires.
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N
Oui, il y a quelques moments de dissertation qui peuvent sembler longs à notre époque... Mais globalement c'est assez immersif et prenant. Des pépites qu'il est plaisant de redécouvrir, le temps d'une pause - véritable respiration - dans l'actualité littéraire.
K
A découvrir donc.
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N
Si tu n'as rien contre les romancières anglaises intelligentes et caustiques, le 19ème siècle et bien sûr la société anglaise... alors oui, George Eliot, Elizabeth Gaskell, Jane Austen : trio de choc !
D
ce fut pour moi une lecture enthousiasmante et le livre de Mona Ozouf va vous pousser à lire le reste de l'oeuvre de façon certaine, je viens de terminer ce qui est accessible en français de l'auteur et mon intérêt n'a jamais faibli alors que les livres sont très différents les uns des autres, Daniel Deronda est passionnant et très osé pour l'époque, Silas Marner et le Moulin sur la Floss beaucoup plus conforme à l'esprit du temps mais avec une touche féministe bien propre à l'auteur
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N
En fait, lorsque j'ai entendu Mona Ozouf au sujet de son livre, je me suis dit que je devais cesser de procrastiner... et l'achat de son essai a été aussi une façon de me pousser à la lecture ce dont je suis ravie. D'autres titres à découvrir, c'est sûr. Idem du côté d'Elizabeth Gaskell, découverte l'an dernier avec Mary Barton et dont l'esprit m'a enthousiasmée. De riches heures en perspective !
G
J'avais mis un mois à le lire... Ton billet me rappelle ces pages lues il y a déjà 10 ans.
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N
Peut-être qu'il y a 10 ans j'aurais mis plus de temps, vie professionnelle oblige... mais j'ai toujours aimé m'immerger dans un pavé quitte à gommer toute vie sociale pendant une semaine :-)
K
Bon, je l'ai lu deux fois, ainsi que d'autres romans de l'auteur. J'aime ton enthousiasme
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N
Heureuse d'avoir comblé cette lacune et ravie à l'idée qu'il en reste un certain nombre à combler :-)