Cape May - Chip Cheek
"Glamour, nostalgique et incroyablement sexy"... comment résister à un tel bandeau alors que le soleil se décide enfin à réchauffer l'atmosphère et que ça commence sérieusement à sentir l'appel de la plage ? Et puis un auteur nommé Chip Cheek... ça intrigue, non ? Ah, j'oubliais l'accroche : "Un premier roman brûlant aux accents de Sur la plage de Chesil et de Gatsby le magnifique". N'en jetez plus ! Honnêtement, je pensais fuir au bout de dix pages... et puis... je me suis laissé glisser dans l'atmosphère rétro de cette petite station balnéaire du New Jersey, hors saison (ça, j'aime) donc désertée et un peu triste, lieu choisi par un jeune couple venu de Géorgie (oui, cet état du sud qui fait l'actualité en ce moment avec sa décision d'interdire l'avortement) pour sa lune de miel. Nous sommes en 1957, avant la fin de la ségrégation, avant nombre d'avancées sociétales...
Effie et Henry sont deux oies blanches ; leur nuit de noces est leur première fois à tous les deux. Ça tâtonne pas mal mais enfin, ça se fait, dans cette maison appartenant à l'oncle d'Effie, et dans laquelle il lui arrivait de passer des vacances lorsqu'elle était enfant. Hors saison, les distractions se font rares et le jeune couple envisage d'écourter son séjour lorsque une certaine animation attire leur attention dans une maison voisine. Effie a la surprise d'y retrouver Clara, une compagne de ses vacances d'antan, bien plus âgée qu'elle et vivant à New York. Une tout autre ambiance règne ici, celle d'un monde aisé et avide de plaisirs. On boit beaucoup, on fait du voilier, on s'introduit en douce dans les maisons désertées par leurs propriétaires. Le vieux (et riche) mari de Clara repart bien vite vers ses affaires new-yorkaises, la laissant seule avec le beau Max et la sœur de celui-ci, Alma. Commence alors pour Effie et Henry une découverte d'horizons dont ils n'avaient pas idée au fin fond de leur campagne, un éveil des sens qui les dépasse et une confrontation d'autant plus violente avec eux-mêmes que l'auteur ne les ménage pas.
Il y a effectivement cette atmosphère surannée, un peu hors du temps qui permet d'isoler le jeune couple, suffisamment pour qu'ils aient tous les deux l'impression de perdre leurs repères. Mais il y a aussi dans ce contexte, l'opposition entre le nord et le sud, entre les classes sociales, entre les principes... Ce qu'ils entrevoient les éblouit, l'alcool les désinhibe et leur manque d'expérience fait le reste. L'auteur fait monter la tension avec habileté... tout autant que la température. Ça chauffe sérieusement. En cela, rien de mensonger dans l'accroche de couverture. Mais bon, on n'est quand même ni chez McEwan, ni chez Fitzgerald, hein, il faut raison garder. Pour cela il faudrait que la psychologie des personnages soit bien plus fouillée, et puis un peu plus de finesse et d'élégance... Gardons-nous donc des comparaisons risquées et prenons ce roman pour ce qu'il est : un bon divertissement, idéal pour ces longues périodes de vacances au cours desquelles on n'est pas contre un petit stimulant du réveil d'une libido brimée par le rythme du quotidien. Oui, la littérature peut aussi servir à ça.
Accessoires recommandés : piscine, transat, cocktail. Et un(e) conjoint(e) pas trop loin.
"Cape May" - Chip Cheek - Stock La cosmopolite - 368 pages (traduit de l'anglais par Marc Amfreville)