Un petit-déjeuner avec... Diane Brasseur
Si un jour, dans un roman de Diane Brasseur, vous lisez une scène de petit-déjeuner rythmée par le son d'un marteau-piqueur, vous saurez qu'elle puise son inspiration de notre rencontre. Car c'est elle qui l'affirme avec un immense sourire : écrire, c'est faire attention aux détails, s'imprégner d'instants singuliers. Comme ce décalage entre le lieu cosy qui nous accueille (petit coin salon, canapé AM-PM dixit les spécialistes présentes), le délicieux banana bread qui nous régale et ces pelleteuses qui creusent bruyamment la chaussée sous nos fenêtres. Peu importe. C'est pour une tout autre musique que nous sommes là. Celle de La partition et de la flamboyante Koula.
Avec une belle générosité, Diane nous révèle le contenu de l'énorme valise rangée à côté de son fauteuil. Des coffrets et des classeurs remplis de lettres, des carnets, un vieil album photo. Sa matière. Il y a là des centaines de lettres, des feuilles, des cartes, des petits mots, tous emplis d'une écriture régulière aux lignes serrées. Toute la correspondance entre Koula et Bruno, cet oncle dont l'éloignement a fini par intriguer Diane Brasseur, l'amener à rechercher des traces qui ont abouti à cette envie de le remettre sur le devant de la scène familiale. Dans une jolie boîte, une autre trouvaille, la correspondance entre Koula et son deuxième mari, Cinto. Parfois, l'inspiration du romancier est plus proche qu'il ne le pense, la preuve. Encore fallait-il lire toutes ces lettres - il faudra six mois - et laisser faire la patte de l'auteure pour sublimer cette riche matière. C'est là qu'interviennent les carnets, une bonne dizaine, qui accueillent les mots de Diane, ses crayonnages de plans, ses schémas de scènes à décrire, les phrases qui deviendront parties du roman... C'est captivant d’effleurer ainsi les secrets de fabrication du texte, d'entrer dans l'intimité de l'écrivain qui confie s'inspirer de ses activités cinématographiques dans son cheminement de construction du roman.
Une fois son manuscrit terminé, Diane a mis la main sur un album photo de famille qu'elle a également posé sur la table. Je découvre avec étonnement et quelque émotion les visages de certains protagonistes qui ont inspiré le roman, dont Koula et Cinto, en Grèce dans les années 1930... Parfait pour diriger la conversation sur l'amour, la joie et la chaleur qui irriguent La partition. Sur ce terrible choix imposé à Koula et à l'origine de tant de choses. Sur la rencontre improbable du feu grec et de la glace suisse. Sur ces yeux bleus qui se transmettent de génération en génération. Sur la musique, le rythme de l'écriture de Diane et ce K qui suit Bruno comme son ombre. Sur la transmission, l'envie de connaitre ses origines, la culture qui se transmet par la cuisine autant que par les gènes. Et tant de choses encore.
Moment privilégié grâce à la générosité de Diane Brasseur, qui vient éclairer ma déjà très belle lecture de son roman. Et qui me donne ici l'occasion de vous inviter une nouvelle fois à le lire et à faire la connaissance de Koula, femme solaire, mère louve et personnage hautement romanesque.
Lire également ma chronique sur La partition.
Et un immense merci à l'équipe Allary pour avoir organisé cette belle rencontre.