Grand Prix des Lectrices de ELLE 2020, l'heure du bilan - Episode 1 : côté polars
Le temps passe vite. Heureusement, la dernière sélection de livres a bien été reçue avant le confinement et les restrictions de circulation. Il est l'heure de faire le bilan de cette aventure débutée en juillet car, faisant partie du jury de septembre j'ai été parmi les premières à entrer dans la danse. Mes derniers avis ont été rendus le 31 mars, j'attends à présent de connaître les résultats dans les trois catégories : romans, polars et documents. Chaque mois j'ai reçu les 3 livres sélectionnés par le jury concerné ; en septembre, mon jury a fait sa sélection parmi 7 livres. Le choix global correspondait au mien pour le roman et le document mais pas pour le polar. Je vais en reparler dans ce bilan puisque je commence par cette catégorie, qui est également celle qui m'a le moins passionnée. Pas de réel coup de cœur même si j'en ai beaucoup apprécié certains et que j'ai un vrai bon préféré.
De bas en haut, dans l'ordre d'arrivée. Donc en septembre, c'est Le couteau de Jo Nesbo qui l'a emporté face à un roman que pour ma part j'avais préféré et dont j'ai parlé ici : A sang perdu. Franchement, je trouve dommage de sélectionner l'épisode 12 ou 14 d'une série déjà très connue, celle des Harry Hole d'un auteur qui n'a plus vraiment besoin qu'on le présente. Certes, Le couteau fait plutôt pas mal le job. Mais je regrette que A sang perdu, premier roman assez sidérant n'ait pas pu bénéficier de cet éclairage. Après avoir découvert l'ensemble de la sélection, il reste d'ailleurs le polar qui m'a le plus marquée et étonnée.
Du coup, je n'ai pas pu m'empêcher de faire la comparaison avec Mon Territoire (Tess Sharpe/Sonatine), arrivé juste après dans la sélection d'octobre et qui semble recueillir de nombreux suffrages. Moi je l'ai trouvé tiède par rapport à A sang perdu ou même à My Absolute Darling qui appartient à la même veine. Dans la série des tièdes, il y en a d'ailleurs pas mal. Sous les eaux noires (Le Masque) ne m'a pas complètement convaincue même s'il se laisse lire, La fille sans peau (Actes Noirs) pourtant prometteur dans le genre glaçant reste très classique et sans surprise. Dans la gueule de l'ours (Rue de l'échiquier) est un de ceux que j'aurais voulu plus apprécier, pour son cadre notamment, la balade dans les Appalaches, mais l'auteur n'a pas su choisir ou gérer entre le thriller et le wild. Impression de trop plein, c'est dommage. Ces 4 titres que je qualifie de tièdes n'ont pas été désagréables à lire mais ne m'ont pas impressionnée ni captivée.
L'un des 8 est à mon sens très mauvais, Notre part de cruauté (Préludes), rien de l’ambiguïté promise, aucun suspense, révélations poussives et attendues. Et pour couronner le tout, une postface de l'auteure qui laisse perplexe tant on est à mille lieues d'avoir perçu ce qu'elle explique... Non, mieux vaut lire Les Apparences de Gillian Flynn.
Pour moi la bonne surprise est venue de Sacrifices (Ellison Cooper / Le cherche-midi) qui m'a bien tenue en haleine, contre toute attente. J'ai beaucoup aimé le personnage de l'enquêtrice que certains connaissent peut-être déjà puisque c'est le second volet d'une trilogie (pas gênant du tout). Je m'attendais à du thriller à grand spectacle et j'ai eu droit à une enquêtrice spécialisée en neuropsychologie dont le travail sur les psychopathes est passionnant et le cadre d'investigation étonnant. Bref, ferrée dès le début, je n'ai pas lâché le bouquin même si j'ai eu quelques problèmes de crédibilité au moment de la résolution de l'affaire. Joli sens de la narration et de l'intrigue qui m'a donné envie de refaire un tour avec Sayer Altair...
Et on arrive à mon préféré, celui auquel j'ai donné ma meilleure note même si cette note est inférieure à celle que j'avais donnée à A sang perdu ...
Une famille presque normale (M.T. Edvardsson / Sonatine) : Voilà un polar comme je les aime, tout dans l’analyse psychologique, avec un suspense et une tension maintenus avec efficacité mais sans effets de manche trop appuyés comme c’est trop souvent le cas avec ce genre. Les trois parties qui sont donc les voix respectives des trois membres de cette famille presque normale (tout est dans le "presque") sont parfaitement menées pour constituer un puzzle dont l’emboitement des pièces conduit lentement mais sûrement à la vérité. Mais pour cela il faut accepter d’en passer par l’examen des vérités de chacun qui ne correspondent pas forcément aux appréhensions et aux analyses des autres. L’auteur exploite ainsi les failles qui minent n’importe quelle famille, même celles qui ont l’air des plus équilibrées. J’ai également beaucoup apprécié d’en apprendre pas mal sur le déroulement des procès dans le système suédois. Pas d’hémoglobine, pas de poursuites spectaculaires, pas de violence gratuite. Mais de l’observation, de la finesse et un talent certain pour la narration. Ce polar m’a tenue en haleine jusqu’à la dernière ligne et cela faisait longtemps que ça ne m’était plus arrivé.
Et voilà donc pour la catégorie "polars" qui m'a néanmoins permis de pas mal voyager même si la moitié sont américains (et tiens, les français brillent par leur absence dans cette sélection...) et de goûter à des genres très différents.
Je vous parle très prochainement des catégories Romans et documents... A suivre.