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Grand Prix des Lectrices de ELLE 2020, l'heure du bilan - Episode 2 : côté documents

28 Avril 2020 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Thématiques - Evénements, #Récits, #Listes

L'un des grands intérêts de ce prix de lectrices réside dans les trois catégories qui le composent. Lors de ma première participation en 2015, j'avais déjà beaucoup apprécié de m'ouvrir à des documents et récits vers lesquels je n'allais pas spontanément. D'ailleurs, depuis j'en lis un peu plus même si je dois admettre que la fiction provoque chez moi beaucoup plus de sensations que les essais, aussi convaincants soient-ils. J'ai particulièrement goûté la sélection de cette édition, variée autant dans les sujets que dans les styles, qui nous a fait passer des moments douloureux et d'autres beaucoup plus légers et drôles. Allez, on voit ça en détail...

Les 8 documents en lice pour le prix

Les 8 documents en lice pour le prix

De gauche à droite dans l'ordre d'arrivée et, cette fois, mon choix personnel était en phase avec celui des autres membres de mon jury de septembre puisque le passionnant livre d'Ivan Jablonka, Des hommes justes (Seuil) a été choisi. Une somme d'information, un pavé qui en fait se lit très facilement et que je suis contente d'avoir dans ma bibliothèque car j'ai l'impression que je pourrais y revenir au gré de mes lectures. Cet ouvrage a le grand mérite d’explorer tous les territoires qui, au fil des siècles ont contribué à conforter le fonctionnement de nos sociétés sur le mode patriarcal. Plongée dans l’histoire, prise en compte des différentes civilisations, poids des religions… c’est passionnant, hyper documenté et cela offre une matière consistante pour nourrir la réflexion. On en apprend beaucoup sur les différentes étapes des combats féministes, les fissures qu’ils ont créé dans le règne masculin, les excès ou failles qui en découlent et surtout, on comprend les enjeux de ceux qu’il reste à mener et dans lesquels les hommes auront leur part. Doivent prendre leur part. C’est d’ailleurs le message que l'on retient en refermant ce livre, cette invitation aux hommes à s’investir dans la conquête définitive de l’équilibre et l’émergence d’une forme apaisée de cohabitation entre les sexes.

Débarrassons-nous à présent de celui que j'ai le moins apprécié : Jouir, en quête du plaisir féminin (Sarah Barmak / Zones). Sur le papier, il avait pourtant tout pour plaire mais je dois avouer que je me suis terriblement ennuyée. Je l'ai trouvé bavard et surtout sans surprise par rapport à ce que l'on peut lire sur le sujet dans la presse féminine qui se fait régulièrement l'écho des dernières études ou théories en la matière.

Le plus difficile à lire a été sans conteste 19 femmes (Samar Yazbek / Stock). 19 témoignages de femmes syriennes qui nous font toucher du doigt leur double peine, persécutées par les régimes en tant qu'opposantes et en tant que femmes, des paroles sans fard, courageuses et douloureuses que l'auteure a choisi de restituer sans les réécrire. On ne peut éviter la sensation de répétition au bout de 6 ou 7 témoignages et personnellement je m'en suis voulu de cette réaction. Mais il me semble que cette forme n'est pas la meilleure façon de sensibiliser un large public, je pense par exemple au film documentaire Pour Sama dont l'effet est d'une force sans nom.

Heureusement, juste après est arrivé Le roman des Goscinny (Catel / Grasset), roman graphique très agréable à lire. J'ai eu grand intérêt et plaisir à découvrir la vie de René Goscinny dont j'ignorais à peu près tout à part son nom sur la couverture des quelques albums d'Asterix qui sont passés entre mes mains. Les reproductions d'archives agrémentent le récit, j'ai moins aimé les interludes qui mettent en scène les discussions entre Catel et Anne Goscinny mais globalement, un moment original et sympathique.

Je passe rapidement sur Le courage des autres (Hugo Boris / Grasset) dans lequel l'auteur évoque ses et nos petites lâchetés du quotidien sur lesquelles il convient de se pencher avant de tout de suite se demander ce que nous aurions fait pendant la guerre. Agréable, distrayant mais pas vraiment marquant.

Un très chouette moment passé avec Honoré et moi (Titou Lecoq / L'Iconoclaste). L'auteure réussit l'exploit de donner envie de relire La comédie humaine, pourtant synonyme de lecture imposée il y a bien longtemps, tout en offrant une vision résolument moderne de l'écrivain. Car sous couvert d’une fausse légèreté, d’une dose d’humour et d’impertinence, elle livre une très fine analyse comparative de notre époque et de celle de Balzac. C'est drôle, tendrement ironique, bien enlevé, pétillant. Bref, je recommande chaudement.

Et enfin, mes deux préférés, que je me refuse à départager...

D'abord, le brillant essai de Jonathan Safran Foer, L'avenir de la planète commence dans notre assiette (L'Olivier). Pour moi, c'est une puissante démonstration autour de la nature humaine et malheureusement, ce titre n'est pas du tout adapté au contenu ce qui a suscité de nombreux rejets et incompréhensions chez mes camarades alors je ne m'attends pas à ce qu'il soit couronné. Mais il reste celui qui m'a le plus bousculée et réjouie dans cette sélection. Lire ma chronique.

Ensuite, le livre qui a fait parler de lui avant même d'être disponible en librairie, témoignage puissant et salutaire : Le Consentement de Vanessa Springora (Grasset). Construction limpide, démonstration implacable, j'ai vraiment été frappée par la détermination de l'auteure à battre son adversaire sur son propre terrain, celui de la littérature. Pour moi, c'est un livre qui compte et j'étais d'autant plus contente d'avoir lu avant l'essai de Jablonka qui permet de cerner tout le chemin qu'il reste encore aux femmes à accomplir. D'où le besoin de ces voix et de cette détermination. J'en fais mon favori pour le prix. Lire ma chronique.

 

Je pense que vous avez perçu mon enthousiasme pour cette catégorie. Pour celles et ceux qui auraient manqué l'épisode précédent, les polars, c'est par ici. Et rendez-vous prochainement pour la dernière catégorie, celle des romans.

NB : le formulaire de candidature pour l'édition 2021 est paru dans le magazine ELLE du 24 avril ou également téléchargeable ici, au cas où ça vous tenterait.

 

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I
Bonjour Nicole, <br /> <br /> Merci pour ce compte-rendu fort intéressant. Comme toi, je ne me porte pas spontanément vers la non-fiction, alors qu'elle peut s'avérer aussi passionnante que la fiction, ainsi que me l'ont confirmé certains expériences de lectures très fortes (je pense notamment, puisque tu évoques ces auteurs, à "Laëtitia", d'Ivan Jablonka ou à "Faut-il manger les animaux ?" de Safran Foer, et sinon aux essais de Svetlana Alexievitch).<br /> Tu me donnes très envie de découvrir "Des hommes justes", que je note immédiatement sur mes tablettes, en attendant la réouverture des librairies... quant au Safran Foer, j'avoue que j'hésite suite à plusieurs avis négatifs exprimés par des lectrices ayant pourtant comme moi beaucoup apprécié "Faut-il manger les animaux ?"...
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N
Bonjour, il y a en effet eu pas mal de déceptions parmi les jurées pour le Safran Foer. Je n'ai pas lu "Faut-il manger des animaux" donc il m'est impossible de les comparer... mais je pense que "L'avenir de la planète..." englobe une réflexion bien plus large, avec des interrogations profondes sur la nature humaine et n'est pas du tout centré sur l'assiette en fait. Pour moi le titre est trompeur, comme je le dis dans mon billet sur ce livre, et je comprends tout à fait que les lectrices aient pu être déstabilisées. Le mieux c'est de le feuilleter si tu en as l'occasion pour te faire une idée.
A
Finalement, s'il n'y a pas d'édition des 68 premières fois en septembre, je vais essayer cette expérience !
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N
Mais oui, ça vaut le coup d'y participer au moins une fois.
K
Mouais, j'ai postulé plusieurs fois, en vain, et comme je trouve en bibli les livres sélectionnés, je peux les lire sans devoir les terminer si ça ne se passe pas bien.<br /> Cette année, je sens que tu ne rencontreras pas les autres jurées? C'est dommage, car c'est le côté sympa, non?
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N
C'était ma deuxième fois et j'ai trouvé la sélection bien meilleure que lors de ma première participation en 2015. Mais effectivement cela peut être perçu comme une contrainte de devoir commenter et noter chaque lecture... Je ne sais pas du tout s'il y aura une fête de remise de prix cette année, ça semble compromis, ou peut-être décalée à la rentrée ? Nous verrons mais effectivement, rencontrer les autres jurés et également les auteurs lauréats est super sympa, j'espère que quelque chose pourra avoir lieu malgré tout.
A
Contrairement à vous, je suis très attirée par les récits et documents , bien avant les romans sauf s'ils sont grands . La fin du confinement se fait attendre et j'attends impatiemment de retourner à la Médiathèque pour lire " l'avenir de la planète commence dans notre assiette " ce sont de graves problèmes auxquels nous étions sensibilisés dans ma famille . <br /> je suis souvent horrif!ée de vivre dans cette époque hyper technologique si loin de la Vie et de l'humain .j'avais lu très jeune " le meilleur des mondes " d'Huxley et " un printemps silencieux " de R.Carlson ( paru en 1962 )qui m'ont marquée à vie
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N
J'en lis tout de même assez régulièrement mais 10 fois moins que des romans... C'est pourquoi j'aime participer à ce jury qui m'amène à en lire un peu plus. Les sujets liés à l'environnement sont effectivement primordiaux, le livre de Jonathan Safran Foer montre justement la difficulté des individus à prendre réellement conscience et à agir en conséquence.
M
Merci pour cette sélection et ton ressenti, j'ai noté certains titres que je lirai sans doute...je reconnais lire de moins en moins de livres documentaires
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N
C'est pourquoi j'apprécie ce jury, l'opportunité de lire un peu plus de documents que d'habitude :-)
M
De belles surprises côté documents on dirait! C'était la même chose l'année où j'ai participé avec notamment le livre de Delphine Minoui sur Daraya. Je te rejoins bien évidemment pour Le consentement et je pense, enfin j'espère qu'il l'emportera cette année. 19 femmes m'interpelle mais je note ton bémol, c'est vrai qu'un film comme Pour Sama n'a aucune difficulté à marquer les esprits, un film vraiment percutant.
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N
En fait, c'est la catégorie que je connais et pratique le moins alors je suis toujours curieuse de découvrir ces documents. 19 femmes est un livre courageux et engagé, je suis contente de l'avoir eu entre les mains mais il est difficile à conseiller du fait de ce parti-pris éditorial de livrer les témoignages bruts. Mais les enjeux apparaissent clairement au fil des pages et sont impossibles à oublier.