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Deuils de papier : Suivant l'azur (Nathalie Léger) et Un enterrement et quatre saisons (Nathalie Prince)

15 Mars 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

Elles s'appellent toutes les deux Nathalie, elles ont perdu prématurément l'homme de leur vie, celui avec qui elles partageaient tout. Les mots sont leurs béquilles, leurs bouées, les instruments du souvenir, du réconfort et du travail de deuil. Ces mots qui étaient aussi au centre de leur couple, l'élément qui les reliait. Rien n'est triste dans ces deux livres, tout tend vers la lumière dans des styles différents, avec des voix que presque tout oppose malgré ces mêmes prénoms et cette même absence à apprivoiser.

"On en est là. On triture des banalités. Des nuits entières à triturer. Ce que je crois deviner, c'est que tout, de la mort ou de la vie je ne sais plus, tout est allé trop lentement pour l'ignorer et trop vite pour en savoir quelque chose. Entre les deux, j'essaie de combler le trou avec de pauvres mots" (Nathalie Léger)

"Je n'écris pas parce que je me souviens. J'écris parce que je ne me souviens pas. J'écris parce que j'ai peur de ne plus me souvenir. J'écris pour tresser ma peine et, très vite, ce qui est écrit gomme ce qui a été vécu. J'écris. Pour devenir ce que je suis" (Nathalie Prince)

S'en remettre aux mots pour adoucir les maux, essorer la peine, tenter de rejoindre pour quelques instants encore celui qui n'est plus. Nathalie Léger construit un linceul avec ses mots qui explorent le lien, les sensations, les sentiments de celle qui reste et tente d'imaginer ce que l'autre a pu percevoir de ce passage de frontière. Suivant l'azur est le récit d'un passage d'un état à un autre, une sorte de sas où la vie et la mort se côtoient, s'accrochent l'une à l'autre. J'ai laissé les phrases de Nathalie Léger m'envelopper, me caresser, me bercer, me porter vers la lumière. Elles disent la douleur avec douceur. Elles disent l'amour qui lui ne meurt pas. Nathalie Prince use d'un autre ressort, par le prisme de l'extérieur. Son arme est l'humour. La dérision face à l'absurdité du monde extérieur, de l'administration et même de l'entourage proche. Le rire vient tenter de masquer la tristesse et le désarroi ; et les quatre enfants du couple la rattachent au présent et aux réalités. Mais chez elle aussi, les mots sont là pour ouvrir le chemin vers le futur. Pour dire le nécessaire cheminement personnel, la reconstruction d'un nouveau moi. J'ai beaucoup souri, mais le cœur serré. Un enterrement et quatre saisons est le récit d'une renaissance, le temps d'une année.

La beauté est un refuge et ces mots-là sont beaux. Ces deux livres, malgré leurs différences se répondent souvent et l'expérience de les lire à peu de temps d'intervalle est doublement consolante. Ils disent l'essentiel de ce qui nous constitue : la vie, l'amour, la mort.

"Il n'y a rien à savoir de l'amour et rien à connaître de la mort. On y va en rampant, dans l'ignorance des idées, mais avec un tact infaillible" (Nathalie Léger)

"Apprendre à mourir, la belle affaire !? Tout le monde sait le faire (...) Mais apprendre à vivre, n'est-ce pas là une sacrément belle aventure ?" (Nathalie Prince)

"Suivant l'azur" - Nathalie Léger - P.O.L. - 72 pages / "Un enterrement et quatre saisons" - Nathalie Prince - Flammarion - 270 pages

 

 

 

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Z
Certainement intéressant, mais je ne me sens pas de les lire
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N
Disons qu'il faut avoir une bonne raison, un intérêt particulier pour ce thème. Et dans ce cas, ces livres ont un fort pouvoir consolateur.