Je n'obtiens que des réponses idiotes - Lettres d'amitié et d'antipathie - Oscar Wilde

27 Décembre 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

Il y a quelques années j'ai flashé sur ces deux épais volumes, les Lettres d'Oscar Wilde (Gallimard, édition de 1966). J'ai un faible pour Oscar depuis ma lecture du Portrait de Dorian Gray à l'adolescence, puis de ses pièces de théâtre. Un recueil de ses aphorismes porte les stigmates de mes consultations assidues. Bref, je suis fan. Pourtant, je ne me suis pas encore plongée dans ces deux volumes sagement posés sur une étagère, attendant que je daigne enfin m'intéresser à eux. Mais voilà que je me suis mise en appétit grâce aux éditions de L'Orma et à leurs fameux "plis" dont Wilde porte le numéro 19 (sur 20 actuellement publiés). Ce fut mon cadeau de Noël et amuse-bouche parfaitement dosé.

La sélection de lettres proposée ici par Marco Frederici Solari offre un savoureux aperçu de l'esprit et de la personnalité d'Oscar Wilde, guidé par un esthétisme souvent provocateur et une foi en la suprématie de l'art qui pourrait s'apparenter à une religion. Intelligence impertinente, humour aiguisé, traits d'esprit fulgurants révèlent aussi la très haute opinion que Wilde avait de lui-même et de son génie. Les échantillons de cette correspondance s'échelonnent de 1875 alors que Wilde entame une année d'études à Oxford après ses diplômes obtenus à Dublin jusqu'en septembre 1900 quelques mois avant sa mort. Entre ces deux dates, une vie riche et mouvementée dévouée à la quête de la beauté, à l'écriture et à l'art, l'expérience carcérale et celle du dénuement. Et des extraits de lettres qui donnent vraiment envie de continuer l'exploration. C'est d'ailleurs la première qualité de cette collection (Les plis sont proposés avec une couverture qui se transforme en enveloppe et peut être directement expédiée en l'état) que de permettre une première approche d'un personnage ou sa (re)découverte par le prisme d'un angle inédit.

Pour en revenir à Oscar, le mieux est de lui laisser la parole et j'avoue un petit faible pour cette lettre datée de début février 1886 et adressée au directeur du quotidien Pall Mall Gazette qui l'a invité à participer à la rubrique "Les cent meilleurs livres choisis par les cent meilleurs critiques".

Wilde explique qu'il classe les livres en trois catégories : les livres à lire, les livres à relire et les livres à ne pas lire du tout. "La troisième catégorie est de loin la plus importante. Dire aux gens ce qu'il faut lire est, en général, ou inutile, ou nocif ; car apprécier la littérature est une question de tempérament et non d'instruction. Pour le Parnasse, il n'existe pas de manuel, et rien de ce qu'on peut apprendre ne vaut la peine d'être appris. Mais indiquer aux gens les livres à ne pas lire est tout à fait différent, et j'ose recommander que ce soit une des missions du programme d'études à l'université. En effet, cela est éminemment nécessaire à notre époque, une époque qui lit tellement qu'elle n'a pas le temps d'admirer, et qui écrit tellement qu'elle n'a pas le temps de penser. Quiconque sélectionnera dans le chaos de nos cursus universitaires modernes "Les 100 plus mauvais livres" et en publiera la liste offrira à la génération montante un bienfait réel et durable".

Une certitude : Oscar Wilde ne figurerait pas dans une telle liste.

"Je n'obtiens que des réponses idiotes - Lettres d'amitié et d'antipathie" - Oscar Wilde - Editions de L'Orma - 64 pages (lettres choisies et présentées par Marco Frederici Solari / Traduction Delphine Ménage)

Partager cet article

Repost0

La liseuse - Paul Fournel

Je lis donc je suis_2021

Retour à l'accueil

Commenter cet article