Vers le Phare - Virginia Woolf
Et je poursuis avec émerveillement l'exploration de l’œuvre de Virginia Woolf. Émerveillement, étonnement, admiration... je crois que j'aurais besoin d'utiliser exceptionnellement cet adjectif qui d'habitude me fait sourire en coin : amazing ! C'est bien la première fois que je suis tentée d'accoler le mot "unique" au nom d'un écrivain et que je pressens que les petits signets dont j'ai usé et abusé pour marquer les pages seront vraiment utiles car je relirai. J'ai déjà relu des passages de Mrs Dalloway, et du Journal d'un écrivain évidemment. Je ne me lasse pas d'aller retrouver les mots de Virginia Woolf sur son propre travail, c'est fascinant ; parce que c'est elle et que son travail s'avère époustouflant.
Vers le Phare est un roman éblouissant à tous points de vue et sans jeu de mots. Par sa construction subtile, par sa forme, son style, la façon dont l'autrice transforme et sublime sa matière que l'on sait d'inspiration autobiographique. Un texte dont on n'a aucune envie de dissocier fond et forme, intimement liés. Parler de l'intrigue semblerait même fade car il se passe peu de choses. Pourtant, la sensation de mouvement est permanente. Une île au large de l’Écosse, une maison de vacances, une soirée d'été, la famille Ramsay, ses huit enfants et quelques invités, la perspective d'une promenade jusqu'au phare si le temps le permet... La figure de Mrs Ramsay est au centre de cette première partie du récit, son absence irradie la troisième partie. La deuxième partie - 20 pages pour 10 années - est tout juste sublime. Comme dans Mrs Dalloway, on passe d'un esprit à l'autre, les pensées intérieures des personnages prennent forme comme sur la toile d'un peintre. Tout est impression, ombre et lumière, comme ce que tente de saisir Lily avec ses pinceaux. Il est question du poids du souvenir, de recréer, de faire revivre ce qui n'est plus. Du pouvoir d'immortaliser qu'est celui de l'art.
Beaucoup d'analyses passionnantes existent sur les œuvres de Virginia Woolf, et la préface qui accompagne cette édition est très instructive. Mais l'effet qu'a eu ce texte sur moi est assez singulier, exceptionnellement je n'ai pas envie de décortiquer, de chercher ce qui me plait et pourquoi, d'intellectualiser ou tenter d'expliquer. Juste de me laisser porter, d'écarquiller les yeux et de m'exclamer : "waouh !"
Ce qui m'a semblé passer à travers ces pages c'est autant la puissance de l'éclat d'un instant que la fragilité de l'empreinte d'une vie. Et c'est magique.
"Vers le Phare" - Virginia Woolf - Folio (Gallimard) - 364 pages avec notes, préface et dossier (traduit de l'anglais par Françoise Pellan)
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