Mungo - Douglas Stuart
"Il était le plus jeune fils de Mo-Maw, mais aussi son confident, sa bonne, son coursier. Il était son miroir flatteur, son journal intime d'adolescente, sa couverture électrique et son paillasson. Il était son meilleur ami, le chien qu'elle ne sortait jamais, sa plus grande histoire d'amour. Il était son soupçon de joie les jours mornes, l'unique rire dans son public."
Lorsque s'ouvre ce roman, le jeune Mungo, quinze ans et des poussières s'éloigne de chez lui encadré par deux gaillards à l'aspect peu engageant. Sa mère vient de les charger d'une mission le temps d'un week-end de pêche au bord d'un loch isolé : faire de lui un homme. Nous sommes à Glasgow dans les années 1990, le gouvernement Thatcher a laissé exsangues les industries du pays et sur le carreau des milliers d'ouvriers. Mungo a grandi dans une cité gangrenée par la pauvreté, l'ennui du désespoir et les rixes entre catholiques et protestants (j'ignorais que cela était aussi le cas en Écosse au passage), entre une mère monstrueuse (si vous êtes parent, vous sortirez de cette lecture totalement décomplexé), un frère aîné chef de gang ultra-violent et une sœur à peine plus âgée que lui qui pallie tant bien que mal les manquements maternels. Au milieu de tout cela, Mungo tente de conserver un peu d'espoir, surtout lorsqu'il se lie d'amitié avec James. Mais James est catholique et les sentiments que les deux garçons éprouvent l'un pour l'autre ne cadrent pas bien avec le décor.
A partir de là, l'auteur nous capte dans une tension savamment entretenue qui vise à remonter le temps pour comprendre ce qui a mené à l'acmé de ce fameux week-end. Il dresse le portrait d'une famille totalement dysfonctionnelle avec des relations d'une cruauté inouïe, démonte les rouages d'une société qui érige la virilité en étendard avec son corolaire de violences, d'intolérance et de scènes difficilement soutenables. Il dépeint parfaitement l'environnement aussi poisseux que les êtres qui s'y démènent, parsemant néanmoins quelques éclats de lumière dans la bienveillance silencieuse mais attentive d'une voisine, le courage d'une sœur, l'humanité du voisin ostracisé qui est aussi le plus à même de comprendre Mungo. On a connu des apprentissages moins douloureux, même chez Dickens. Totalement embarqué derrière Mungo, en empathie avec ses souffrances et en admiration devant son courage, horrifié par les forces qui s'acharnent sur lui le lecteur n'a pas vraiment le temps de respirer. Juste envie de lui donner une légère tape dans le dos à la fin pour l'encourager à traverser la rue...
Lecture âpre, déchirante, addictive, poignante. Inoubliable Mungo.
"Mungo" - Douglas Stuart - Editions Globe - 474 pages (traduit de l'anglais (Ecosse) par Charles Bonnot)
Lecture effectuée dans le cadre de la sixième édition du Prix Bookstagram du Roman étranger (10 titres en lice, déroulement du prix à suivre sur le compte instagram @prixbookstagram, proclamation en avril 2024)