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Washington Square - Henry James

2 Juillet 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"... en 1835, c'est Washington Square qui se trouvait l'endroit rêvé pour les gens de goût épris de tranquillité...". C'est donc ainsi que se considère le docteur Sloper dont la renommée lui vaut une solide fortune et une belle maison dans ce quartier préservé. Touché deux fois par le deuil - d'abord d'un fils en bas âge puis de son épouse - il vit seul avec sa fille unique, Catherine et sa sœur Mrs Penniman qu'il a chargée de son éducation. Catherine est une jeune fille assez terne, sans traits qui la distinguent, qu'il s'agisse de physique ou d'esprit, au grand désespoir de son père dont le regard sur elle est teinté de mépris. Il faut dire qu'il ne tient pas la gent féminine en haute estime. Lorsque Catherine s'éprend du premier beau jeune homme qui s'intéresse à elle - et surtout à son héritage - le docteur Sloper se montre peu coopératif et peu sensible aux sentiments de sa fille. Se met alors en place un jeu d'influences dont Catherine est la victime a priori sans grandes défenses.

Le récit que déploie Henry James est d'une subtile cruauté et l'on se surprend à beaucoup plaindre Catherine aux prises avec un père méprisant et si peu affectueux, une tante intrigante et fort désireuse de vivre une intrigue romanesque par procuration et bien sûr un soupirant qui a tout du dilettante de salons coureur de dot. A travers cette histoire c'est toute la bonne société new-yorkaise qui est visée par contraste avec la simplicité, la sincérité et la bonne volonté un peu naïve de Catherine. Apparences, faux-semblants, calculs et manipulations entourent la jeune fille qui voit peu à peu tomber les masques de ses plus proches et n'a d'autre choix que de se replier sur ses propres valeurs.

Avec ce roman, Henry James pointe également le sort peu envieux du sexe féminin considéré comme objet ou monnaie d'échange ; "faites en sorte qu'elle devienne intelligente" avait demandé le docteur à sa soeur qui jugeait cette demande peu conforme à ce que l'on attendait d'une future épouse. De bonheur il n'est en revanche jamais question. Washington Square est le portrait cruel et sans concession d'une société hypocrite, obsédée par les marqueurs de la réussite et confite dans des valeurs qui ne tarderont pas à exploser. Un classique d'une belle efficacité.

"Washington Square" - Henry James - Le Livre de poche (Denoël) - 286 pages (traduit de l'anglais (EU) par Camille Dutourd)

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M
J'aime tant lire Henry James...
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N
Comme je te comprends 🙂
K
Entièrement d'accord! On n'est pas dans du romantisme qui se termine 'bien', mais c'est subtilement observé.
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N
Oui le regard est sans concession comme toujours avec Henry James :-)