Les derniers jours de Roger Federer. Et autres manières de finir - Geoff Dyer
Comment bien finir ? Voit-on venir et s'installer la fin ? Peut-on la prévoir ? La choisir ? Le programme proposé par Geoff Dyer est riche, éclectique, inspiré, souvent drôle. Un récit sous forme de fragments, petites notes érudites, précises, passionnées, étonnées, amoureuses ou féroces. Un bonheur d'esprit britannique que l'on picore avec appétit, le sourire aux lèvres.
Nos compagnons de route sont ici des artistes - peintres, écrivains, musiciens - et des sportifs, parmi les meilleurs dans leurs domaines respectifs. Dylan, Nietzsche, Turner, Federer, entre autres. Geoff Dyer s'intéresse à leurs dernières œuvres, derniers jours en écho avec sa propre façon d'appréhender les signaux inquiétants que lui adresse son corps de jeune soixantenaire. Un corps usé par les années de tennis, passion à laquelle il lui est inenvisageable de renoncer. Et c'est sans doute ce qui motive cet exercice de haute voltige : l'idée du renoncement. Quel qu'en soit l'objet. Les livres que l'on ne lira jamais, ceux que l'on renonce à écrire, les come-back et les résurrections comme autant de refus du renoncement. Cheminer avec Geoff Dyer c'est s'interroger avec style sur les pages qui se tournent, les portes qui se ferment, les mots de la fin et les maux pour le dire. J'ai particulièrement apprécié son regard et ses digressions sur la littérature et les écrivains qu'il égratigne parfois sans états d'âmes ; moins calée en musique je n'ai pas toujours saisi les références, par contre, côté tennis le courant est parfaitement passé (les admirateurs de Roger sont mes amis et les connaissances de Dyer alliées à son regard font merveille). Plus que quiconque le champion de tennis redoute le match de trop, le lent déclin après la gloire ou le corps empêché. Il rêve d'une sortie en apothéose ; l'expérience montre qu'il en est rarement ainsi, Andy Murray en a fait l'expérience ces derniers jours.
En sortant de cette promenade pleine de charme on ne saura toujours pas pourquoi lâcher prise, abandonner est si compliqué, mais on aura exploré les frontières telles que nous les propose la vie, les débuts et les fins, les quêtes ininterrompues et les interrogations vertigineuses. Avec une mélancolique élégance.
Le comble ? Une envie folle de ne pas finir ce livre.
"Pendant longtemps, je n'ai pas trop su si j'avais un mal fou à avancer dans l'écriture de ce livre parce que je l'avais commencé trop tôt (trop loin de la fin de ma vie d'écrivain) ou parce que j'avais trop attendu (et que j'avais déjà atteint la fin)".
"Les derniers jours de Roger Federer. Et autres manières de finir" - Geoff Dyer - Editions du sous-sol - 376 pages (traduit de l'anglais (GB) par Paul Matthieu)