Rousse ou les beaux habitants de l'univers - Denis Infante
Le livre que j'aurais voulu aimer vraiment. Premier achat de ce début d'année, intriguée par le bouche à oreille qui précédait sa sortie, attirée par l'histoire, le thème et par cette magnifique couverture. Je suis tellement d'accord avec ce que souligne la citation de Giono en exergue, la nécessité pour la littérature de nous faire plus souvent percevoir "le halètement des beaux habitants de l'univers" plutôt que les mesquineries et autres états d'âmes des humains bien trop présents, au propre comme au figuré. Quitte à lire un roman d'apprentissage, je vote sans hésiter pour celui d'une jeune renarde curieuse du monde et avide d'explorations.
Notre jeune héroïne, Rousse est d'ailleurs fort sympathique, confrontée à la sécheresse qui sévit dans sa forêt natale, prétexte vite saisi pour partir à l'aventure plutôt que de se laisser approcher par les mâles en veine de copulation. C'est elle que nous suivons dans son périple ouvert sur l'inconnu, au plus près de ses sensations. Le monde nous apparaît à travers son regard, un monde aride, déserté par les humains a priori décimés (on les avait pourtant prévenus de faire gaffe) dont nous sommes les seuls à identifier les vestiges ou les stigmates, mais non exempt d'individus intéressants à rencontrer. Ce sont d'ailleurs ces rencontres autant que les dangers affrontés et écartés qui nourrissent le parcours de Rousse choisie comme disciple par Noirciel, vieux et sage corbeau désireux de transmettre son savoir. Compagnonnages éphémères, amitiés solides, traversées de territoires hostiles ou accueillants... de quoi forger le caractère de Rousse qui finira par céder à l'appel de la reproduction sans pour autant renoncer à sa quête d'ailleurs.
J'aurais voulu aimer pleinement ce livre mais je n'ai jamais réussi à adhérer au parti-pris formel de l'auteur. Contrairement à la plupart des lecteurs je n'ai pas compris l'intérêt de cette disparition volontaire des articles et lui ai trouvé un effet bêtifiant qui m'a gênée. Au point de mettre en relief un nombre assez important de poncifs au fil du texte pour appuyer un propos qui revendique pourtant de s'en affranchir (chaîne du vivant, prédation, effets destructeurs de l'homme...). J'ai vu passer beaucoup de retours très enthousiastes et tant mieux pour ce roman dont l'originalité est incontestable et le propos fort louable. Pour ma part j'ai eu l'impression de lire un gentil conte un peu naïf ce qui n'est pas une critique en soi, je crois simplement que j'attends autre chose sur ce type de sujets.
"Rousse ou les beaux habitants de l'univers" - Denis Infante - Tristram - 134 pages
NB : cette lecture m'a fait penser à un chouette roman de Jane Smiley lu il y a quelques années, Les aventures de l'intrépide Stroïka dans Paris qui revendiquait crânement sa forme de conte dont les animaux sont les héros ; le sage était aussi un corbeau d'ailleurs mais les humains n'avaient pas encore été éradiqués de la surface de la terre.