Tentative d'épuisement d'un lieu parisien - Georges Perec
18 Juillet 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits
La place Saint-Sulpice est mon phare parisien, le café de la Mairie un lieu de ralliement depuis que j'ai commencé à donner des rendez-vous dans les bistrots. Alors difficile de m'expliquer pourquoi je n'avais toujours pas lu ce texte dont quelques lignes décorent les murs de l'annexe dudit café. Son heureuse réédition dans la jeune collection Satellites des éditions Bourgois et son irrésistible couverture furent un prétexte parfait pour combler cette lacune.
Ce texte très court résulte des observations de Perec installé pendant trois jours d'octobre 1974 à différents endroits de la place Saint-Sulpice dont tout le monde connaît l'église, la fontaine et sans doute la mairie. Il note ce qu'il voit, objets, passants, mouvements, jeux de lumière, toutes sortes de petits détails insignifiants ou incongrus qui, mis bout à bout dessinent une vie de quartier, figent le temps et marquent une époque. Car le lire 50 ans après c'est inévitablement noter les différences ou sourire à l'évocation d'images qui ravivent les souvenirs. Curiosité et nostalgie s'invitent à la lecture de ces pages qui se nimbent d'un étrange halo poétique fait de passages de bus, de panneaux publicitaires, de passants pressés, de phares luisants de pluie, de corbillards ou de pigeons perchés sur les réverbères. Sans oublier le nombre incroyable de deux-chevaux vert pomme.
Je ne sais si Perec pensait à ce que son texte dirait beaucoup plus tard sur le temps qui passe, les lieux qui changent ou disparaissent. Des trois cafés de la place qui accueillirent l'écrivain il n'en reste plus qu'un. Mais les cloches saluent toujours mariages et obsèques tandis qu'aux arrêts les bus se succèdent en rythme. Et il me prend l'envie de rester là, commander un café, regarder et noter en laissant filer les heures. Seule l'extrême précision de cette prose, son rythme parfait permettent de servir l'intention de Perec de décrire "ce qui se passe quand il ne se passe rien, sinon du temps, des gens, des voitures et des nuages." Une sorte de quintessence heureuse de la vie qui va.
"Tentative d'épuisement d'un lieu parisien" - Georges Perec - Satellites (Bourgois) - 66 pages
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