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Jour de ressac - Maylis de Kerangal
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Depuis Réparer les vivants je sais que Maylis de Kerangal peut me captiver avec n'importe quel sujet, la construction d'un pont, les multiples facettes de l'art du trompe-l’œil... Je suis rivée à ce qui sort de sa plume, comme envoûtée. C'est de son écriture dont je suis amoureuse, de la technique magistrale dont jaillit une prestation artistique éblouissante. A chaque nouveau livre je me réjouis du chemin...
... et ici cela commence par un coup de téléphone incongru. La narratrice est alors arrachée à sa routine, happée par le mystère qui s'offre à elle. Qui est donc l'homme dont le corps sans vie a été retrouvé sur une plage du Havre, avec dans une poche de vêtement son numéro de téléphone ? Elle prend le premier train pour se rendre à la convocation de la police dans cette ville qui a abrité son enfance et son adolescence, mais où elle n'est pas revenue depuis longtemps. La journée qui l'attend va être l'occasion de confronter des souvenirs, retrouver des sensations, et faire remonter à la surface des blessures enfouies qui se mêlent étroitement au décor. Car Le Havre est un personnage à part entière, paysage meurtri puis reconstruit dont le martyr passé fait écho à d'autres, tout proches. Les temporalités se percutent au gré des rencontres, l'esprit et la mémoire charrient des éléments anciens, les ramènent sur le devant de la scène avant de les engloutir à nouveau. Comme la mer sculpte le rivage de strates de sédiments témoins d'histoires antérieures.
Comme souvent avec l'autrice, la conscience de l'espace se matérialise à travers des sensations difficiles à décrire, uniquement portées par sa science de l'écriture. Des détails viennent sculpter la matière, ici l'attention portée à la voix (motif récurrent chez elle), plus loin la singularité d'une carte de visite ou l'étrangeté des teintes de gris d'où nait la géométrie d'une ville. Il est question d'empreintes, de traces et du labyrinthe creusé par le temps dans nos mémoires. Le chemin se déploie à travers les pensées et faut-il vraiment arriver quelque part ? se demande-t-on, bercé par les cahots du train qui nous ramène à Paris. Faut-il percer tous les mystères au risque de se priver des bonheurs de l'imaginaire et du plaisir des histoires qui naissent de nos rêveries ?
Une chose est certaine, je veux encore et toujours flâner au gré de la plume exceptionnelle de Maylis de Kerangal.
"Jour de ressac" - Maylis de Kerangal - Verticales - 242 pages
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