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L'oeil de la perdrix - Christian Astolfi

16 Septembre 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"Au fond de moi, je savais que je n'avais pas répété les gestes d'autrefois. Pas dans un état semblable en tout cas. C'était imperceptible. Invisible à l’œil nu. Mais je le sentais. Quelque chose s'était déplacé. Soulevé par un souffle aussi bref que soudain. Quelque chose qui ne retomberait plus à sa place initiale".

L'imperceptible, l'invisible à l’œil nu, c'est ce que dessine la plume sensible de Christian Astolfi, attachée à transmettre de subtiles sensations, ces petits riens qui parfois changent tout. Une rencontre par exemple. Celle de deux femmes qui n'ont pas choisi grand chose dans leur vie, deux différences qui vont s'apprendre, s'épauler, s'étayer malgré les frontières invisibles. A Toulon, à la fin des années 50 sur fond de conflit en Algérie, Rose croise Farida et découvre un autre monde. Orpheline à l'enfance chahutée, mariée tôt et mère à 16 ans, Rose a suivi un mari taiseux en quête de travail, élevé ses trois enfants sans jamais remettre en question les règles imposées. Farida vit dans le bidonville de Toulon comme nombre de familles de travailleurs contraintes à l'exil ; pourtant c'est un peu de vie et de lumière qu'elle transmet à Rose. De force aussi. Celle de découvrir, de bouger, de s'éveiller au monde et de s'émanciper notamment en comblant une grave lacune. Un apprentissage qui va définitivement la libérer.

Christian Astolfi se glisse avec une remarquable pudeur dans la peau et l'esprit de Rose pour rendre perceptible son cheminement intérieur. Il nous livre un texte sobre, empreint de la retenue des fragiles, des invisibles, quand le langage passe par un regard ou par un dessin gravé discrètement sur un bout de peau. L'émotion nait de cette sobriété affectueuse, de l'impression de regarder le visage de Rose se transformer au rythme de l'acquisition de ses nouveaux pouvoirs. Dont celui d'accepter les ombres grâce à la lumière enfin entrevue.

Un concentré d'humanité, jusqu'à l'intensité bouleversante des dernières pages.

"L’œil de la perdrix" - Christian Astolfi - Le bruit du monde - 234 pages

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D
Le sujet de ce deuxième roman me tente un peu moins que celui du premier. Mais je suis certaine qu'il est traité avec la même délicatesse.
Répondre
N
Oui, beaucoup de délicatesse, et je pense que tes a priori sur le sujet tomberaient vite face à la fresque sociale et sociétale qui est offerte.