Palais de verre - Mariette Navarro
19 Septembre 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
"Voilà ce que nous ne raconterons jamais. Il y a des tunnels creusés dans nos ventres, qu'une nuit de vent révèle. Nous faisons, alors, la seule chose que nous savons faire : conjurer la violence de l'existence en l'ignorant".
Qui n'a pas ressenti ce décalage entre son moi profond et ce que son existence, son mode de vie lui impose ? Comme une sensation sur laquelle on évite de s’appesantir par crainte sans doute du séisme que cela pourrait déclencher. Parce qu'il est difficile aussi de s'extraire de la masse, de s'affirmer autre, d'aller à contre-courant. Claire a tout bien fait. Des études trois étoiles malgré ses origines modestes, une banlieue triste, le scepticisme résigné de sa famille. Le poste de ses rêves, grande entreprise, statut, bureau dans la tour de verre, impression de faire partie de ceux qui comptent. Donner le change, consciente de n'avoir pas tous les codes, se fondre, faire comme si. Mais un jour, cette sensation, "je ne colle plus à rien". Un flottement. Alors Claire quitte une réunion avant la fin et, sur une impulsion se hisse sur le toit de l'immeuble par le biais d'une trappe laissée ouverte...
Ceci n'est pas un roman sur le méchant monde du travail ni sur d'éventuelles situations de violence ou de harcèlement mais plutôt un voyage au cœur des sensations d'une femme qui prend conscience de la prison dans laquelle elle s'est enfermée toute seule, pressée par des influences, des injonctions, des modèles de réussite vantés par une société ultra formatée. La langue est belle, douce, caressante. L'atmosphère envoûtante. Il n'y a pas de condamnation, juste une invitation à s'arrêter un instant, à retrouver ses aspirations profondes, à se reconnecter avec son être, un pas de côté pour un regard neuf et débarrassé des filtres imposés. Le jeu mis en place par l'autrice entre le "je" de Claire et le "nous" de ses collègues souligne le contraste, l'émancipation progressive face à ce chœur qui rappelle l'illusion du collectif broyé par l'uniformité. Dans un monde dont on perçoit par de subtiles allusions les indices du déraillement en cours.
Mariette Navarro dessine avec délicatesse, sensibilité et poésie le cheminement de son héroïne vers la liberté. Radicale mais si inspirante dans son rappel de l'importance de l'individu. Une ode salutaire à l'échappée belle.
"Palais de verre" - Mariette Navarro - Quidam - 136 pages
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