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Aux marges du palais - Marcus Malte

12 Septembre 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Il peut arriver que, face à l'actualité de plus en plus délirante, gagné par la perplexité, la colère ou même les deux, on ne sache plus trop par quel bout prendre le monde. Quitte à se réfugier dans la fiction, autant y aller à fond. Marcus Malte réussit l'exploit de se défouler joliment la plume et de proposer deux options au lecteur : se divertir intelligemment ou envisager ce roman comme un petit manuel pour enclencher une révolution. Juste au cas où le besoin se ferait sentir. Au cas où la situation du pays venait à trop ressembler à celle de la Frzangzwe dépeinte ici. Sait-on jamais ?

Un fossé grandissant entre les nantis et les fauchés, des puissants uniquement préoccupés de croissance et des miséreux entassés à l'écart, ça pourrait arriver. L'histoire que met en scène Marcus Malte tient du conte, et les contes sont là pour aider à développer un imaginaire propice au décryptage de la réalité. Alors regardons. D'un côté des marginaux regroupés autour de la Baronne dans un manoir abandonné ; des passés pleins de bleus, des CV peu orthodoxes, des princes de la débrouille. De l'autre un palais présidentiel abritant l'archimaréchal et ses conseillers dont le premier d'entre eux, Gabriel Pipaudi, diplômé de la Grande Ecole et stratège en chef. Ça vous rappelle quelque chose ?  A mon avis ce n'est pas fortuit. Comment ces deux mondes vont se percuter, quels rôles jouent Cupidon et la grande Tour F., je vous laisse lire, les contes sont faits pour ça.

Tout ce que j'ai envie de dire c'est que ce texte savoureux ne peut sortir que d'une grande plume. Je suis persuadée que chaque nouvelle lecture enrichit sa perception (je l'ai lu deux fois et pas encore rassasiée). La fable est sociale et politique. Ca pique avec humour, cruauté et un art certain de la mise en scène. Il y a de la jubilation dans les descriptions, les pedigrees des personnages, la verve épique du récit. La façon dont l'auteur encapsule la réalité et la sublime par des trouvailles langagières qui font mouche. Le jeu avec le lecteur est permanent via des clins d'oeil, des références politiques, littéraires ou musicales avec en point d'orgue un discours présidentiel d'anthologie, véritable œuvre d'art du romancier qui connaît ses hommes politiques.

C'est fort, très fort. Drôle, féroce mais jamais ridicule ni outrancier. Parfait antidote à la morosité de la rentrée. Ça donne une envie folle de faire la révolution. Juste au cas où. 

"Aux marges du palais" - Marcus Malte - Zulma - 496 pages

 

 

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D
Ça fait un moment que je l'ai repéré, celui-là. Evidemment, ton billet est de nature à accélérer un petit tour en librairie.D'autant que, comme tu le soulignes, entre perplexité, colère - et dégoût -, je ne sais en effet plus trop parfois par quel bout prendre le monde...
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N
Forcément, le thème devrait te parler...
K
"gagnée par la perplexité, la colère ou même les deux", c'est tout à fait moi ce soir (écoutant un débat sur l'immigration) donc tu me donnes bien envie de lire ce nouveau Marcus Malte, auteur dont j'affectionne l'écriture.
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N
Ça pourra au moins te défouler et te faire sourire 🙂
K
Après Phily Jo, j'étais fort enthousiaste, mais je n'ai pas pris le temps de continuer (Le garçon m'a refroidie). Bon, j'ai du choix.
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N
La forme de la fable le différencie de ses autres romans mais l'agilité de la plume et l'esprit acéré sont bien là.