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La vie des spectres - Patrice Jean

28 Octobre 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Sur le papier ce roman avait pas mal d'arguments pour me plaire. Pendant une bonne moitié de ma lecture la bonne pioche semblait se confirmer, me provoquant même quelques francs éclats de rire. J'adore ce genre de personnages, misanthrope, un poil aigri, regrettant des temps plus anciens face à la vulgarité galopante des temps modernes et de sa jeunesse décérébrée. Ce Jean Dulac a d’ailleurs un air de famille avec le Jean Roscoff du Voyant d’Étampes (les deux romans ayant été lauréats du même Prix Maison Rouge on peut en déduire que le jury de ce prix a les mêmes sympathies que moi pour ces quinquagénaires désabusés), ce qui ne pouvait que renforcer ma curiosité.

Jean Dulac est un romancier raté, ou découragé. Il n'a plus grand espoir de faire aboutir son roman en cours depuis de longues années et dont la lecture de quelques extraits a aussi découragé sa femme de s'y intéresser plus avant. Alors il rentabilise sa plume en tant que pigiste pour des rubriques culturelles de journaux locaux. Critiques, comptes-rendus de spectacles et portraits de figures du monde culturel en vogue. Des gens qui réussissent, contrairement à lui. Jean Dulac n'est pas à l'aise avec son époque et encore moins avec le fait qu'on l'empêche souvent de l'exprimer comme il le voudrait. Ses critiques refusées par le journal sont des petits bijoux de méchanceté bien tournée. Autant dire que ses relations avec son fils adolescent sont à l'image de son décalage. Et ne vont pas en s'arrangeant lorsque ce dernier est mêlé à un scandale dont s'emparent les réseaux sociaux avec la nuance qu'on leur connaît (tiens, encore un lien avec Le Voyant d’Étampes) ; voilà Jean Dulac en proie à la vindicte populaire.

Et c'est là que les choses ont mal tourné pour moi. Les atermoiements du bonhomme ont commencé à me fatiguer sérieusement, mon intérêt à s'échapper lentement mais sûrement. Son amour pour la chose littéraire n'a rien pu y faire, l'ennui gagnait aussi face aux options parfois grotesques. Trop de ruminations, rien pour relancer efficacement l'histoire (contrairement à Abel Quentin - pour continuer la comparaison - qui parvient à faire sans arrêt rebondir son intrigue et à surprendre le lecteur).

Dommage, il aurait sans doute fallu couper, resserrer, lâcher du lest sur les belles phrases et penser au plaisir du lecteur. Il y a de chouettes passages sur la littérature et l'acte d'écrire, des formules savoureusement lapidaires mais elles se retrouvent noyées dans cette seconde moitié ennuyeuse. Verdict : Jean Roscoff l'emporte largement sur Jean Dulac.

"La vie des spectres" - Patrice Jean - Le cherche-midi - 452 pages

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D
Ah oui, ça malheureusement, ce sont des choses qui arrivent.
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N
Oui, et parfois comme ici c'est frustrant car ça aurait pu être tellement jouissif :-)
A
Dommage que le roman finit par être lassant car comme toi, j'aime aussi beaucoup ce genre de personnages !
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N
Alors surtout n'hésite pas à le lire, il offre tout de même des moments fort réjouissants.
K
Je note quand même, j'aime l'auteur, mais il sera dans une médiathèque à laquelle je ne vais plus trop, donc... plus tard pour découvrir ce roman!
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N
De toute façon la langue est belle et les qualités littéraires indéniables donc ça ne fait pas de mal d'y goûter.