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Une longue impatience - Gaëlle Josse

8 Janvier 2018 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans, #Coups de coeur

Chère Gaëlle,

Je me souviens des premières louanges qui sont arrivées à mes oreilles lorsque a paru votre premier roman, Les heures silencieuses. Un bouche-à-oreille de libraires, un livre délicat dont on murmurait le titre, comme un secret à protéger et à ne confier qu'à ceux capables de le recevoir. Je me souviens avoir alors découvert avec délices votre plume délicate, guidée par un regard sensible, une envie d'explorer et de dévoiler au plus juste les sentiments qui font de nous des humains. L'attente déjà. Un portrait de femme tout en pudeur, en recherche d'équilibre. La beauté du décor, le réconfort trouvé dans l'art. Depuis, j'ai tout lu de vous. Et j'attends chaque nouveau roman avec l'appétit d'un amateur de bon vin, prêt à caresser longuement sa bouteille des yeux avant d'en savourer le nectar, délicatement, déjà triste à l'idée d'arriver à la fin. Heureusement, un livre est éternel. Lorsqu'on arrive à la fin, on peut recommencer. Il n'y a que vous qui me donnez envie de relire un livre à quelques semaines d'intervalle, avec un plaisir renouvelé et même magnifié.

J'ai lu Une longue impatience deux fois et j'ai fini en larmes, deux fois.

Chère Gaëlle, je ne sais pas exactement ce que vous avez mis de vous dans ce roman où l'on retrouve bien sûr votre univers mais qui, par la grâce d'une écriture encore plus tenue que d'habitude semble être le résultat d'un désir porté depuis longtemps. Je n'oublierai pas Anne Quémeneur, veuve Le Floch. Je n'oublierai pas ce magnifique portrait d'une femme coupée en deux mais toujours digne, mère avant tout mais femme malgré tout, ne cédant jamais à la facilité de renier quelque partie de sa vie. Il passe à travers ce livre, tout le poids d'une époque, celle de l'immédiat après-guerre, des contraintes sociales augmentées par l'indiscrétion des regards dans un village où les discussions sont les principales occupations. Il passe à travers vos mots, l'odeur des embruns de la côte bretonne, les cris des mouettes et l'activité des pêcheurs, les couleurs changeantes au gré des caprices du ciel. Il passe au fil de vos pages, les sentiments contraires d'une femme qui a vécu deux vies, connu deux milieux sociaux et reste viscéralement attachée à son histoire d'origine tout en s'attachant à s'ancrer dans le présent. Anne Quémeneur attend le retour de son fils, Louis parti un soir sans rien dire. Guettant l'horizon telle ces femmes de marins du haut des rochers face à la mer. Imaginant jour après jour la joie des retrouvailles, le festin du premier repas pris ensemble. Tentant d'ordonner les sentiments qui s'emballent et de garder en elle l'unité des deux parties qui la constituent, constamment tiraillées.

"Parfois je me dis que le chemin qui me happe chaque jour est comme une ligne de vie, un fil sinueux sur lequel je marche et tente d'avancer, de toutes les forces qui me restent".

Chère Gaëlle, votre livre est tout simplement bouleversant. Vous parvenez à nous faire approcher au plus près de l'intimité des sentiments d'Anne Quémeneur. Une femme simple, un roseau plié par les bourrasques, malmené par les vents violents, une femme qui puise dans sa terre et dans l'amour niché au creux de son ventre la force de vivre. Une femme qui vibre intensément à l'intérieur sans laisser aucune prise au regard des autres.

"Je m'invente des ancres pour rester amarrée à la vie, pour ne pas être emportée par le vent mauvais, je m'invente des poids pour tenir au sol et ne pas m'envoler, pour ne pas fondre, me dissoudre, me perdre. Toutes ces choses ténues, dérisoires, je m'y accroche pour repousser le prénom qui cogne à mes tempes, à mon cœur, à tout mon corps, pour tenir à distance ce halo d'ombre qu'il agite autour de moi."

Chère Gaëlle, je vous imagine fébrile, un peu inquiète d'avoir livré votre bébé à vos lecteurs, mais heureuse de ce partage. Je vous souhaite un beau parcours Anne et vous, de belles rencontres chargées en émotions à l'image de celles que véhicule ce livre et que chacun recevra et vivra selon sa propre histoire. Et puis, merci. Merci pour cette longue impatience.

"Une longue impatience" - Gaëlle Josse - Notabilia - 192 pages

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V
quel beau billet! Je n'ai toujours pas lu cet auteur mais là, tu fais tout pour que ça change! Merci:)
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N
Oh oui, il faut absolument la découvrir et pourquoi pas en commençant par son très joli premier roman, Les heures silencieuses disponible en poche et qui constitue une parfaite mise en bouche qui ne pourra que te donner envie de poursuivre :-)
R
Très envie de le lire. Je connais déjà cet auteur que j'aime beaucoup et je suis sûre de ne pas être déçue après votre grande déclaration d'amour !
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N
Si vous appréciez déjà la plume de Gaëlle Josse, alors vous serez simplement surprise de découvrir à quel point elle peut encore être meilleure :-) ... Bonne lecture !
J
Quelle belle lettre ! Et comme vous j'aime tous les livres de cetteauteure, je me réjouis à l'avance de lire celui-ci...Même avec la vue brouillée par les larmes !!! Bonne continuation à votre blog.
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N
Merci ! Je suis ravie de voir que le cercle des admirateurs de la plume de Gaëlle Josse ne cesse de croître, c'est tellement mérité !
M
J'avais été touchée en plein coeur par "les heures silencieuses" et j'ai noté celui-là pour le lire...Merci pour ta belle chronique
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N
Superbe livre, oui ! Et il est intéressant de voir comment son écriture évolue au fil des livres, jusqu'à celui-ci où on frôle la perfection.
S
C'est une belle lettre! Je puis mesurer avec quelle grâce et quelle pertinence, Gaëlle, arrive à toucher nos coeurs!
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N
Oui, le mot grâce est vraiment le bon quand on parle de Gaëlle Josse.
D
Quelle belle déclaration ! C'est tellement précieux d'avoir ainsi des écrivains que l'on chérit particulièrement...
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N
Oui c'est vrai :-) Cette plume me touche... Je ne crois pas avoir déjà vu un de ses titres chez toi ?
Z
Il est bien sûr noté, même si je dois le lire avec une boite de mouchoirs
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N
Oh pas une boîte... c'est vraiment la fin mais les larmes sont belles, on n'a même pas envie de les essuyer.
K
Et bien dis donc ! Quel bel hommage à l'auteure, au roman !
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N
Je la suis depuis longtemps et c'est incroyable comme elle parvient à me toucher même avec des thèmes dont je ne me sens pas particulièrement proche. Celui-ci est particulièrement bouleversant.
M
Bel article ! Je ne connais pas...Alors peut-être! Merci
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N
Gaëlle Josse est une magnifique plume, sensible et délicate. N'hésitez pas à lire son premier roman "Les heures silencieuses", très court et désormais disponible en poche... Je pense qu'il vous donnera envie de découvrir la suite de son œuvre :-)