La grande escapade - Jean-Philippe Blondel

Je ne sais pas si ce roman est représentatif du style de Jean-Philippe Blondel, c'est la première fois que je le lis, mais je lui ai trouvé un charme fou. Je me suis glissée avec beaucoup de plaisir dans cette machine à remonter le temps qui ramène ceux de ma génération (en tout cas) au bon vieux temps de leur scolarité en l'année 1975. Je ne suis pourtant pas très fan de l'exercice, de ces romans d'apprentissage qui s'étendent à la frontière de l'enfance et de l'adolescence. Mais voilà, le ton m'a tout de suite plu, fait sourire et parfois même éclater de rire. Peut-être ai-je retrouvé un parfum de vécu, l'atmosphère d'une époque... Quoi qu'il en soit, je ne regrette pas l'escapade.
Au sein du groupe scolaire Denis Diderot, dans une ville de province de l'est de la France, on sent souffler le vent du changement. Cette histoire de classes mixtes d'abord qui en fait grimacer plus d'un. Et puis ces nouvelles méthodes d'enseignement, initiées par un certain Freinet et dont le nouveau maître-formateur, Charles Florimont se fait le chantre, au grand dam du Directeur Lorrain. Le changement, on le sent aussi du côté des élèves dont pour certains, et le jeune Philippe en particulier ce sont les derniers mois dans l'enfance, après ce sera le collège, une autre histoire. Une année charnière, marquée par une conversation surprise dans laquelle Philippe est décrit comme quelqu'un "faisant des manières", expression qui le déstabilise et influera sur le cours de sa vie, mais ça, il ne le sait pas encore. On ne parle pas vraiment de féminisme mais, quand même, il y a de drôles de trucs dans l'air, des revendications et des envies inhabituelles. De quoi entrevoir un nouveau monde...
La force de ce récit, ce sont très certainement ses personnages à la fois cocasses, tendres, vulnérables et terriblement attachants. Engoncés dans le carcan d'un certain type d'éducation, un certain modèle de société, et subitement confrontés à de nouveaux possibles, machine parfaite pour raviver les fantasmes ou, de façon plus ambitieuse, révéler des vocations. Les enfants ne sont pas les seuls à se voir offrir plusieurs manières de grandir. Les adultes qui les entourent ne sont pas en reste et les suivre dans leurs parcours émancipateurs se révèle aussi piquant que savoureux. Tout ceci sert de toile de fond et de révélateur au jeune Philippe, observateur, acteur et plus tard, un jour, narrateur de cette période.
Si le sourire est omniprésent, l'émotion pointe aussi son nez et c'est le cœur un peu serré, empreint de nostalgie qu'on lâche la main du jeune Philippe au moment de tourner la dernière page, avec cette même sensation qu'après un dîner entre potes à reparler du bon vieux temps.
"La grande escapade" - Jean-Philippe Blondel - Buchet Chastel - 268 pages