Une vérité si délicate - John Le Carré
6 Janvier 2014 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Polars
L'espionnage n'est plus ce qu'il était... Voilà que les états se mettent à sous-traiter leurs opérations liées à la défense en utilisant des officines privées aux objectifs bien plus lucratifs que politiques. Au risque de mélanger les genres ?
Dans les romans de John Le Carré, rien n'est simple et la vérité souvent enfouie sous de nombreux faux semblants, trompe l’œil ou mensonges d'état. Être employé au Foreign Office et qui plus est en tant que secrétaire particulier du Ministre des Affaires Étrangères n'offre aucune garantie d'y accéder, bien au contraire. C'est ce dont prend cruellement conscience le brillant Toby Bell lorsqu'il s'aperçoit qu'il a volontairement été tenu à l'écart d'une opération de contre terrorisme menée à Gibraltar trois ans auparavant et entourée d'un halo de suspicion. L'un des protagonistes, Kit Probyn, diplomate exemplaire désormais retraité et installé en Cornouailles le contacte pour tenter de tirer au clair des questions qui resurgissent brutalement du passé et ébranlent les convictions de ce fidèle serviteur de la couronne. Que s'est-il réellement passé à Gibraltar ? Pourquoi l'ambitieux ministre a-t-il démissionné peu de temps après ? Quels sont les intérêts financiers en jeu, notamment ceux liés à la participation des sous-traitants ? Probyn a t-il été manipulé ? Et enfin, quel rôle le puissant mentor de Toby, Giles Oakley joue t-il dans cette histoire ?
John Le Carré nous offre une plongée palpitante dans les affres des systèmes politiques actuels où se mêlent jeux de pouvoir et interrogations sur le devoir envers son pays. Puissance des lobbies des armes, enjeux géopolitiques, corruption, rien n'est épargné au lecteur un peu ahuri de découvrir tant de magouilles au pays de Sa Majesté. L'auteur fait également le constat de l'échec à faire éclater la vérité de l'intérieur, l'échec des hommes de bonne volonté, donnant ainsi une explication à la soudaine apparition des lanceurs d'alerte en tant que derniers recours.
Nous sommes bien au Royaume Uni où chacun garde son flegme légendaire (en comparaison avec les équipes américaines, si vulgaires) et l'on se régale du style si britannique de la prose de John Le Carré qui manie si bien humour et ironie. Avec pourtant un regard assez pessimiste sur l'avenir, ce qui n'est pas nouveau. Dans "La Constance du jardinier" paru en 2001, le héros, Justin Quayle sait qu'il se condamne à mort en faisant éclater le scandale des tests clandestins des laboratoires pharmaceutiques en Afrique, déjà à l'origine de l'assassinat de sa femme. A la fin de "Une vérité si délicate", l'avenir de Toby Bell semble aussi menacé que celui d'un Julian Assange ou d'un Bradley Manning.
A savourer d'une traite pour s'interroger un peu mieux sur le monde qui nous entoure.
"Une vérité si délicate" - John Le Carré - Éditions du Seuil - 328 pages
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