Guyanes - Jean-Paul Delfino
29 Juillet 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
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Avec ce roman d'aventures couronné en 2023 du tout nouveau Prix littéraire Le Mans Saint-Exupéry, Jean-Paul Delfino nous ramène dans les années 1870, le traumatisme de la guerre contre la Prusse puis les soulèvements populaires de la Commune. Époque où manifester pour ses opinions pouvait vous valoir une traversée de l'Atlantique, direction la Guyane et ses bagnes conçus sur le modèle testé par le Royaume britanniques en Australie : débarrasser le pays de la mauvaise engeance et peupler par la même occasion les colonies. C'est ce qui se produit pour Clara, à peine sortie de l'enfance et condamnée à huit ans de bagne pour avoir participé aux barricades de la Commune. Sur ce petit morceau de France, son destin croisera celui de Mané, esclave en fuite depuis le Brésil, en quête d'une liberté volée, et celui d'Alphonse de Saint-Cussien, un parvenu sans scrupules fuyant ses créanciers parisiens et prêt à tout pour capter richesses et pouvoir.
Sur un fond très documenté, l'auteur tisse une trame romanesque irrésistible, aux accents politiques très marqués. Il nous dépeint l'administration coloniale dans toute sa splendeur entre gabegie, cynisme et corruption ; les conditions inhumaines à l'intérieur des bagnes et le peu d'espoir de retour laissés aux prisonniers. L'hypocrisie d'un pouvoir vis à vis d'un territoire qu'il pille, exploite, détruit au mépris des intérêts de ses habitants historiques. Saint-Cussien en est le parfait ambassadeur, cupide, cruel, égocentrique. Pour le lecteur, l'immersion est totale, dans la jungle foisonnante avec Mané à la rencontre des indiens qui tentent de survivre tandis que les aventuriers en quête de gisements aurifères s'enfoncent le long du fleuve Maroni. Dans cette micro-société en construction où peu sont à même d'apprécier leur environnement. On se prend à rêver de calme et de bonheur simple pour Mané dont les mains tirent des merveilles de la terre, pour Clara qui a entrevu l'espace de quelques années parisiennes l'espoir d'un monde plus juste pour les petits. Mais si le monde était juste, on le saurait depuis le temps.
Guyanes fut une lecture parfaite dans l'entre-deux tours de ces élections législatives anticipées à haut risque, pour le dépaysement mais aussi pour l'angle politique, ce rappel que les combats, s'ils semblent avoir changé de nature ne sont jamais terminés et pas si différents tant les forces à l’œuvre refusent d'abdiquer.
"Guyanes" - Jean-Paul Delfino - Pocket (Héloïse d'Ormesson) - 706 pages
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