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Kabukicho - Dominique Sylvain

12 Novembre 2016 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Polars

Dominique Sylvain a vécu au Japon, elle a même pris ce pays pour décor de son premier roman d'après ce que j'ai appris lors de la rencontre organisée par Babelio pour quelques lecteurs privilégiés. Une information qui ne m'a pas étonnée tant le contexte sonne juste dans Kabukicho dont l'intrigue se déroule à Tokyo, ville du 21ème siècle par excellence ville paradoxale qui confronte modernité des infrastructures et poids des traditions. Un polar imprégné de culture japonaise, entre théâtre no et manga, parfait pour servir le thème que la romancière a choisi d'explorer, celui de l'identité.

Car dans ce roman à trois voix où chaque personnage a sa part d'ombre, où l'on n'est plus très sûr de qui est qui, l'important n'est presque pas de savoir qui a tué mais plutôt de comprendre comment les personnalités des uns et des autres se sont construites. Nous sommes donc à Kabukicho, l'un des quartiers chauds de Tokyo où l'on trouve de nombreux bars dits "à hôtes" où des femmes et des hommes entretiennent l'illusion auprès de leurs clients venus chercher ici de l'attention. Une profession qui n'a pas vraiment d'équivalent en Europe. Les hôtes et hôtesses n'ont aucune obligation sexuelle, seulement celle de séduire. Tout un art dans lequel excellent Yudai, un jeune homme très demandé et Kate Sanders, une anglaise devenue en quelque temps l'une des hôtesses les plus recherchées du Gaïa club. Lorsqu'elle disparaît, le jeune homme est le premier à s'inquiéter avant qu'une enquête ne soit diligentée. C'est cette enquête que nous suivons par l'intermédiaire de trois protagonistes : Yudai, l'ami sous emprise des Yakusas, Marie, la colocataire de Kate, une jeune française devenue hôtesse elle aussi et Yamada, le capitaine de police chargé de l'enquête. Entre ombres et lumières, faux-semblants et mensonges, les vies des uns et des autres se dévoilent peu à peu tandis que les cadavres s'accumulent...

Si on ne lâche pas Kabukicho c'est surtout grâce à la psychologie des personnages qui permet au lecteur de s'interroger sans cesse sur la vérité de ce qu'il a sous les yeux. Yudai a servi de modèle à un personnage de Manga publié par son ex-femme et dit lui-même qu'à force de mentir il ne sait plus très bien qui il est. Marie écrit un roman qui semble autobiographique, l'enquête sur Kate fait apparaître plusieurs zones d'ombre. Quant à Yamada, victime d'un grave traumatisme crânien qui l'a rendu en partie amnésique, il est lui-même sujet à interrogations sur ses propres perceptions ce qui le rend particulièrement intéressant. Ajoutons un clin d'oeil au personnage de Patricia Highsmith, Tom Ripley, la menace permanente des Yakusa, l'organisation mafieuse japonaise qui règne sur le quartier et on a une bonne idée de l'ambiance générale.

Tout ceci finit par exercer une certaine fascination sur le lecteur pris autant dans l'intrigue que dans le décor, électrique et glauque. D'autant que l'auteure refuse de céder complètement à la noirceur et permet à l'émotion de se frayer un chemin, histoire de garder un peu d'espoir. Kabukicho est une belle réussite, un polar efficace avec un supplément d'âme, comme j'aime.

"Kabukicho" - Dominique Sylvain - Viviane Hamy - 278 pages

NB : un grand merci à Babelio pour cette masse critique privilégiée et la rencontre passionnante avec Dominique Sylvain dont le compte-rendu est ici.

 

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D
En général, je ne suis guère attirée par tout ce qui concerne le Japon. Mais ce polar, que tu présentes comme toujours fort bien, a tout l'air d'être un excellent crû. En tout cas, un polar qui met l'accent sur la psychologie et l'atmosphère : tout ce que j'aime !
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N
Comme toi, le Japon n'est pas mon terrain de jeu favori... je suis d'autant plus ravie d'avoir fait cette entorse et goûté à la plume très convaincante de Dominique Sylvain.
E
Il me tente bien celui-là !
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N
Je comprends ! C'est un polar qui se double d'une réflexion sur la littérature ce qui en fait une lecture aussi intéressante que distrayante.