Je suis innocent - Thomas Fecchio
Pour changer des premiers romans voici un... premier polar. Et après le blockbuster mondial et ultra-connecté - j'ai nommé Millénium - voici un polar régional résolument ancré sur le terrain. Loin de moi l'idée de comparer les deux. Je veux simplement dire que l'on peut prendre autant de plaisir à lire l'un et l'autre, quand c'est bien fait. Pour son coup d'essai, Thomas Fecchio s'en tire plutôt bien. Peut-être parce qu'il ose composer des personnages qui prennent le lecteur quelque peu à contre-pied. Ni le flic, ni le méchant récidiviste ne sont tout à fait là où on les attend et c'est ce qui permet de garder le lecteur sous tension.
Pour planter le décor, nous sommes entre Aisne et Marne, entre Reims et Soissons. Petite bourgade tranquille pensez-vous ? Oui. Sauf quand une jeune étudiante en droit est retrouvée à moitié enterrée dans la forêt. Violée, battue à mort et abandonnée sous un tas de feuillage. Comme par hasard, un violeur assassin récidiviste habite à deux pas. Jean Boyer a déjà purgé plus de 20 ans de prison lorsqu'il est brutalement tiré du lit par les policiers persuadés qu'il a une nouvelle fois cédé à ses pulsions. Sauf que le bonhomme, pour une fois, est innocent et que le capitaine Germain, dont c'est la première grosse affaire et malgré les a priori aurait tendance à le croire. Mais peut-on vraiment se fier aux déclarations d'un violeur assassin récidiviste ?
En alternant les points de vue du flic et du voyou, l'auteur nous plonge dans les tréfonds des cerveaux des deux hommes. Le capitaine Germain, ses doutes, ses difficultés à s'imposer dans une équipe aguerrie, sa frêle carrure face aux gros durs de son commissariat, ses failles liées notamment à l'assassinat non résolu de son père dans sa prime jeunesse. Et puis Jean Boyer. Un homme odieux, une sorte de monstre auquel on a du mal à trouver des excuses malgré celles qu'il se trouve lui-même face à ses pulsions violentes et morbides. Thomas Fecchio ose pousser sa logique jusqu'au bout : pas de rédemption, pas de prise de conscience, pas de bons sentiments... mais, une question centrale autour de laquelle se bâtit toute l'intrigue : un coupable est-il forcément toujours coupable ?
L'auteur avance ses pions, implacablement. On suit le travail de terrain, la progression d'une enquête qu'il faut sans cesse remettre sur les bons rails tant l'influence des a priori est forte, les pressions de la hiérarchie et de l'opinion, jusqu'au retournement final qui laisse assez admiratif face aux moyens choisis par Germain pour tenter malgré tout de faire passer la justice. Et si l'on en croit la fin, le personnage de Germain pourrait peut-être donner lieu à suite et devenir un héros récurrent.
Quoi qu'il en soit, j'ai apprécié ma lecture, je ne suis pas une grande spécialiste du genre mais j'aime qu'un polar soit plus qu'un polar et joue notamment sur la psychologie des personnages. Si l'on en croit la place accordée aux livres par Thomas Fecchio dans son intrigue, on a un aperçu assez solide du pouvoir qu'il octroie à la littérature. Un très bon point pour lui.
"Je suis innocent" - Thomas Vecchio - Ravet-Anceau - 302 pages