Millenium 4 - Ce qui ne me tue pas - David Lagercrantz
Il semble que même deux ans après, il soit difficile de mettre de côté la polémique qui a entouré la parution de ce livre si l'on en croit les réactions suscitées par la publication de ma lecture en cours sur les réseaux sociaux. Apparemment, les pro-boycott n'ont pas désarmé. Je me souviens avoir moi-même tiqué à l'époque d'ailleurs. Quoi ? Un quatrième volet de la saga écrit par un autre que le pauvre Stieg Larson mort onze ans auparavant sans avoir pu profiter de l'énorme succès de sa trilogie ? Et tout ce tapage autour de la succession, la compagne de 30 ans spoliée sans remords par les héritiers légitimes (en tant que concubine elle n'est pas reconnue par le droit suédois), le déballage des querelles familiales... Oui, j'ai tiqué à l'époque et décidé d'attendre un peu. Mais ce qui m'a retenue de lire cette suite lors de sa sortie c'était surtout la crainte d'être déçue, l'idée que cette opération ne pouvait être qu'une vaste fumisterie... Et puis, les premiers avis sont sortis... Des critiques qui avouaient un peu à contre coeur avoir pris plaisir à retrouver les héros de Millenium et reconnaissaient que le travail de David Lagercrantz était plus qu'honorable... Alors j'ai transigé avec moi-même : OK pour le lire mais j'attendrais la parution en poche :-). Nous y voilà, donc.
Première sensation : je n'ai pas eu besoin de chausse-pied pour entrer dans le livre, je me suis glissée dedans avec facilité et j'ai retrouvé avec un réel plaisir Lisbeth et Mikael comme si je les avais quittés la veille. Certes, ce n'est pas la patte de Stieg Larson mais... David Lagercrantz, journaliste de profession, non seulement le sert avec talent mais parvient à se glisser dans ses pas sans jamais le trahir. Du coup, aucune sensation de malaise, on sent que nos héros sont entre de bonnes mains. Deuxième constat : l'intrigue est remarquablement menée à partir d'un contexte moins centré sur la Suède et son trouble passé mais plutôt mondialisé. Troisième constat : on en reprendrait bien un petit épisode encore...
Histoire de mettre un peu l'eau à la bouche de ceux qui hésitent encore, on retrouve un Mikael Blomkvist un peu fatigué de la pression que ses actionnaires (un énorme groupe de médias) font peser sur Millenium et son indépendance, pas loin de tout lâcher notre héros ; on retrouve une Lisbeth très en forme, qui n'en a pas fini avec les scories de sa terrible famille et se sent suffisamment d'attaque pour pirater la NSA ; on plonge dans les méandres de la recherche en intelligence artificielle aux côtés d'un ingénieur et de son fils autiste mais surdoué dont les vies sont menacées ; on s'enthousiasme pour la croisade de Lisbeth, on s'émeut de sa rencontre avec le jeune August, ces deux-là (deux Asperger ?) ont tout pour se comprendre face à l'adversité. Croisade pour l'indépendance de la presse, protection des lanceurs d'alerte, plaidoyer contre la surveillance et l'intrusion intempestives... les ingrédients qui ont fait le succès de Millenium sont bien là et ça marche.
Bref, moi, je n'ai pas boudé mon plaisir. Contrairement à certains, je pense que l'exercice de se mettre dans les pas d'un autre auteur pour continuer à alimenter l'intrigue de ses héros est loin d'être facile. Cela se fait parfois lorsque les héros deviennent plus importants que leur auteur. Le cas de James Bond est un bon exemple et le dernier volet de ses aventures écrit par William Boyd a été vécu par celui-ci comme une belle expérience littéraire. En ce qui concerne David Lagercrantz, c'est totalement réussi alors que ce n'était pas gagné et que les critiques l'attendaient au tournant bazooka en mains. Résultat : j'ai dévoré ce Millénium 4 avec voracité et gourmandise et j'ai très bien digéré.
"Millénium 4 - Ce qui ne me tue pas" - David Lagercrantz - Babel noir - 544 pages (traduit du suédois par Hege Roel-Rousson)