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Les monstres - Charles Roux

14 Janvier 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Il suffit de quelques pages pour tomber dans le piège tendu par Charles Roux et ne plus lâcher ce pavé de 600 pages dont le pitch tient sur 3 lignes en quatrième de couverture : "Lors d'un diner-spectacle dans un restaurant tenu par une sorcière, au cœur d'une ville de béton sur laquelle plane une menace invisible, un homme et une femme se rencontrent". Quelques pages pour se dire que ce primo-romancier a de l'audace, de l'ambition, une grosse envie de captiver et surtout de ne pas le faire comme tout le monde. Quelques pages supplémentaires pour ajouter qu'il tient bien son pari, qu'il assume joliment les risques comme cette alternance de pronoms assignés à chacun des personnages - tu, vous, il - et que franchement, David, Alice et Dominique, on ne va pas les quitter de sitôt, parce qu'ils nous parlent, nous renvoient nos propres images à travers le miroir tendu au-dessus de leurs têtes. Les pages se succèdent, l'intérêt ne faiblit pas, la curiosité est toujours là mais teintée d'une sorte de respect envers celui qui a réussi un joli tour de magie à partir d'ingrédients que tout le monde possède, mais qu'il assaisonne de façon remarquable et captivante.

Il y a d'abord l'atmosphère, cette ville-capitale jamais nommée, la violence qui affleure mais que l'on ne touche jamais vraiment du doigt, tout juste comprend-on qu'un monstre sévit au hasard, tue et accapare la sphère médiatique. On en parle mais on ne le voit pas. Il y a ensuite les protagonistes. David, commercial ambitieux, grande gueule, menteur pathologique, célibataire encore quelques jours avant de rejoindre madame et les enfants en vacances. Alice, professeure d'histoire, désabusée, célibataire à près de quarante ans, seule et coincée, empêchée par une peur de tous les instants, encore remplie des monstres de l'enfance. Et puis Dominique, au prénom épicène, homme ou femme au gré des représentations qu'il se donne à lui-même ou aux convives de son restaurant confidentiel dont on se refile l'adresse sous le manteau et où l'on réserve des mois à l'avance. Ces trois-là vont donc être réunis le temps d'une soirée. Comment ? Pourquoi ? A vous de lire, de toute façon, tout comme le pitch cité plus haut, l'essentiel n'est pas là même si ce rendez-vous fait tout le sel de l'histoire.

Car l'auteur choisit des situations banales pour leur donner une hauteur et un angle de vue tout à fait originaux et ambitieux. Son roman fourmille d'idées géniales, il n'hésite pas à convoquer la magie, la sorcellerie, le merveilleux sans que jamais on n'ait l'impression d'être déconnecté de la réalité. Tout ceci pour explorer la question centrale : qu'est-ce qu'un monstre ? Qui est le monstre tapi en chacun de nous ? Et nous offrir une réflexion profonde autour de la comédie sociale, du mensonge, de la façon dont les êtres s'enfouissent sous des couches de faux-semblants et jouent des rôles qui finissent par les enfermer et les rendre... monstrueux. On admirera au gré des parties, une déclinaison des différentes figures de monstres. On s'interrogera sur nos propres mensonges, sur le visage que l'on offre aux autres selon les moments. On savourera la façon dont l'auteur parvient à maintenir la tension narrative de bout en bout pour nous amener à nous interroger sur ce qui sous-tend nos sociétés bâties sur des mensonges et des individus inféodés, rendus incapables de se révolter. On terminera assez bluffé par cette invitation à faire tomber les masques, à se libérer des carcans invisibles et des peurs qui empêchent d'avancer. On aura envie d'applaudir à la fin, comme après un spectacle magnifiquement conçu, mis en scène et interprété. Et d'en redemander.

"Tant que les rêves restent là où ils sont nés, dans les entrailles neuronales, ils sont inoffensifs et réalisables. Ils n'existent alors que dans le magma des synapses et des cellules gliales, connexions ininterrompues et toujours aptes à imaginer de nouveaux chemins pour arriver au pays des merveilles. Exprimer ces songes, leur donner corps et les faire résonner dans un espace devenu alors public, puisque partagé avec d'autres, c'est risquer de les voir se fracasser par terre, se heurter aux dures réalités qui rendent les projets difficiles et parfois impossibles à réaliser".

"Les monstres" - Charles Roux - Rivages - 608 pages

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D
Décidément tentant !
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N
D'après la présentation de l'éditeur je ne savais pas bien dans quoi j'allais tomber et ce fut vraiment une bonne surprise.
K
Oh oh alléchant et mystérieux !
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N
hé hé... oui, c'est tout à fait ça ;-)
K
Tout cela est très mystérieux... Je ne me précipiterai pas, mais je suis curieuse, tout de même.
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N
Franchement, moi qui lis pléthore de premiers romans pour les 68premières fois, j'ai été enthousiasmée par celui-ci, pas du tout compliqué à lire, très addictif et qui révèle un fond très intéressant. J'espère que nombre de lecteurs auront l'occasion de s'y plonger.
K
On en parle peu sur les blogs, voire pas du tout... Bon, voir avec la bibli, au cas où!
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N
Il vient de sortir, c'est un premier roman... j'espère pour lui que les lecteurs et donc les retours viendront car il le mérite. Mais 600 pages, ça peut rebuter certains même si tu ne les vois pas passer.