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Les derniers jours des fauves - Jérôme Leroy

10 Février 2022 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Polars

J'ai toujours eu du mal à résister à la politique fiction et aux coulisses du pouvoir lorsque ce sont des romanciers talentueux et bien informés qui s'y collent. Je me suis par exemple déjà régalée avec la trilogie de Marc Dugain ou avec le triptyque de Thomas Bronnec. Des embrouilles, des magouilles, des égo surdimensionnés, et déjà des fauves partout. Jérôme Leroy n'en est pas à son coup d'essai même si j'avoue ne pas l'avoir beaucoup lu. Il s'empare du jeu d'échecs politique et tresse un roman noir haletant qui risque de ne pas en réconcilier beaucoup avec les urnes lorsque l'on comprend où se nichent les derniers espoirs. Pourtant, une petite lumière persiste à transpercer le noir, avec courage et détermination. Un truc qui se nomme littérature.

Nous sommes en 2021, en pleine pandémie et Nathalie Séchard décide qu'elle ne se représentera pas. Élue en 2017 à la surprise générale après avoir "grillé la politesse à un jeune mec arrogant qui avait eu la même idée qu'elle", elle a dynamité l'opposition gauche-droite et mené au pouvoir son parti Nouvelle Société face à l'extrême droite. Elle sait que son retrait de la course va précipiter les deux poids lourds de son gouvernement dans la bataille. D'un côté Beauséant, ministre de l'Intérieur style Pasqua proche de la droite dure, de l'autre Guillaume Manerville, tendance écologiste intègre. Deux hommes que tout oppose, y compris les méthodes. La France est en plein chaos, sous couvre-feu et état d'urgence. Nathalie Séchard ne rêve plus que de retrouver le calme de sa maison bretonne et d'explorer sa bibliothèque avec son jeune poète de mari. Beauséant lui a encore très faim et décide que son tour est venu, peu importent les moyens à employer. Quant au lecteur, il se demande qui peut bien avoir envie de se colleter de telles responsabilités pour en récolter si peu de crédit ?

La toile de fond sociétale est parfaite, un poil distordue par rapport à notre réalité mais pas tant que ça. L'auteur connaît sur le bout des doigts l'envers du décor et particulièrement les réseaux extrémistes et les barbouzeries. Les idéaux d'un Manerville ont depuis longtemps volé en éclats même s'il persiste à vouloir prendre sa part, ne serait-ce que pour l'avenir de Clio, sa fille de vingt ans qui s'apprête à intégrer Normale Sup. Clio, amoureuse d'un jeune écrivain. Clio sur laquelle veille Le Capitaine, une sorte de parrain un peu mystérieux mais très efficace. Clio, le point faible de Manerville. Si l'intrigue est parfaitement menée, la tension maîtrisée dans un crescendo terrifiant, ce qui m'a définitivement attachée à ce livre c'est le personnage du Capitaine, dont le corps sculpté et entraîné à la guerre cache un esprit finement instruit à l'aune de ses engouements littéraires. "Peut-être aurait-il dû s'en tenir à ça, dans sa vie : regarder les filles nager", se demande cet homme revenu de tout sauf du plaisir des mots. Et peut-être faut-il confier aux mots le soin de garder tout ça sous forme de fiction parce que ce que l'on a pu voir tout au long de cette plongée dans l'ombre, ça n'est pas très rassurant. Même avec les apartés de l'auteur, même avec ses touches d'humour. Pas très rassurant mais totalement emballant.

"Les derniers jours des fauves" - Jérôme Leroy - La manufacture de livres - 432 pages

 

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K
Je n'ai jamais lu cet auteur, pourtant j'ai déjà repéré certains de ses romans... celui-ci pourrait me plaire.
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N
Oui, il a ses fidèles, c'est du très bon noir ; j'avais lu "Jugan" avant et celui-ci me conforte dans l'idée d'aller regarder de ce côté lorsque j'ai une envie de (très bon) noir.
D
Eh bien, je ne connaissais pas du tout cet auteur. Mais tu m'as donné carrément envie de le découvrir !<br /> (Le tout, c'est que la pile ne s'écroule pas AVANT d'atteindre le plafond ;-) )
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N
C'est un pur conseil de libraire qui me l'avait fait découvrir avec "Jugan" roman très noir et très fort, et je n'ai pas hésité à récidiver quand j'ai vu le thème de celui-ci. C'est du noir avec le supplément d'âme qui va bien.