La Société royale - Robert J. Lloyd
Dans la famille polars, j'ai un faible pour ceux de la catégorie historique surtout quand ils mettent en scène des enquêteurs atypiques qui ne sont pas forcément des policiers. La Société Royale est un premier roman, peut-être le premier volume d'une série, qui s'appuie sur des archives historiques et un héros philosophe naturaliste, Robert Hooke qui a laissé un Journal sur ses travaux et ses réflexions dont l'auteur s'est inspiré. Il nous plonge ainsi dans le Londres de 1678, encore défiguré par le Grand Incendie et marqué par l'agitation politique qui a amené la révolution de Cromwell avant la restauration de la monarchie. Mais le trône de Charles II n'est pas consolidé pour autant, ni à l'abri des complots sur fond d'antagonismes religieux toujours très présents. C'est dans ce contexte que le cadavre d'un jeune garçon entièrement vidé de son sang est retrouvé sur une berge de la Fleet River ; le juge Bury Godfrey mandate Robert Hooke, responsable des expériences à la Société royale de Londres et son ancien apprenti Harry Hunt pour tenter d'éclaircir les circonstances de ce crime. Crime crapuleux ? Fétichisme ? Complot religieux ? Les rumeurs vont bon train au sein de communautés qui s'évitent et se haïssent. Bientôt d'autres cadavres sont découverts et les deux hommes comprennent que l'enquête risque de les emmener sur des terrains dangereux.
Plusieurs aspects de ce roman sont très intéressants, à commencer par l'époque et ses enjeux de modernité dans les projets de reconstruction de Londres et toutes les recherches scientifiques inhérentes. La Société royale "établie pour l'enrichissement de la science naturelle" réunit d'éminents scientifiques dans tous les domaines et l'occasion est belle d'assister à l'ébauche de techniques qui deviendront monnaie courante quelques siècles plus tard. Ses membres sont des philosophes guidés par une maxime qui les invite à "chercher la vérité dans ce qui est connu, et dans ce qui peut être prouvé" et entrainent ainsi le lecteur dans la résolution des dilemmes moraux qui peuvent accompagner des observations scientifiques. La reconstitution du Londres parfois sordide et marécageux contribue à instaurer une atmosphère très sombre où suinte le danger et la scène de poursuite finale est particulièrement bien réussie. Une bonne dose de complots adossés aux enjeux de pouvoir émerge d'un contexte politique complexe où certains n'ont pas renoncé à renverser la monarchie. Tout ceci donne un roman extrêmement documenté et travaillé, peut-être parfois un peu trop riche en informations, mais qui s'avère original et ingénieux dans sa façon d'initier le lecteur aux balbutiements de progrès scientifiques majeurs, sans négliger les ingrédients romanesques qui donnent envie de retrouver Harry Hunt sans doute promis à un bel avenir.
"La Société royale" - Robert J.Lloyd - Sonatine - 490 pages (traduit de l'anglais par Fabrice Pointreau)
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