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Séducteurs en Equateur - Vita Sackville-West

9 Juin 2022 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Nouvelles

Une longue histoire courte, c'est ainsi qu'est présenté ce texte singulier et très différent de ceux de Vita Sackville-West que j'ai pu lire. Publié en 1924, il est dédié à Virginia Woolf et l'on ne peut s'empêcher d'y chercher des références, clins d’œil ou hommages à une période phare de la proximité entre les deux femmes. L'ambiance lorgne parfois du côté d'Agatha Christie mais rien d'étonnant, les protagonistes appartiennent à cette bonne société britannique avide de dépaysement ensoleillé aux quatre coins de l'Empire et de canotage stylé, un verre de whisky ou de sherry à la main. L'auteure ne ménage pas le suspense, dès la première phrase, on connaît le destin tragique du héros : "C'est en Égypte qu'Arthur Lomax contracta l'habitude qui, à la suite d'expériences diverses, le conduisit finalement à l'échafaud".

Il faudra moins de 80 pages à notre ami Arthur pour passer de vie à trépas, ce qu'il fera avec un flegme qui n'appartient qu'aux anglais, aidé en cela par... le pouvoir des verres colorés des lunettes de soleil. Depuis qu'il a chaussé ses premières lunettes aux verres bleus, impossible pour Arthur Lomax de revenir en arrière, "le réalisme n'était plus pour lui". A partir de là, le petit jeu peut démarrer, cette croisière acceptée à la dernière minute en compagnie d'individus qu'il ne connaissait presque pas peut revêtir toutes les formes qu'on voudra bien lui donner.

"Lomax voyait le bleu tel qu'il n'était pas. Les autres le voyaient ou pensaient le voir tel qu'il était. A moins que nos modes de communication ne deviennent plus subtils qu'ils ne le sont à présent, nous ne sommes même pas sûrs que nos yeux voient une couleur identique. Comment, alors, chacun pouvait-il connaître l'autre ?"

Construit en apparence de façon ludique, mais d'une précision redoutable, ce texte navigue entre illusion et réalité, fantasme et vérité. Une manière, m'a-t-il semblé, d'explorer l'universalité de la fiction ou le pouvoir de l'écrivain lié à sa façon de transformer la réalité à sa guise. Pauvre Arthur qui découvre durant le procès "quelle arme pitoyable est la vérité"...

"Les marines nous font voir un navire levant les voiles sous un vent favorable. Elles ne le suivent jamais dans la turbulence de son aventure. Les amis l'encouragent de leur mouchoir qu'ils agitent, puis s'en retournent. Ils ne savent rien de lui jusqu'à la lettre disant qu'il arriva à bon port. Et à cause de cela, les vies des amis se touchent, ici ou ailleurs, selon le mode qui leur est habituel, et la brèche, dans l'intervalle, n'est jamais comblée, les bords ne sont jamais reliés : la connaissance est un miroir brisé qui ne trouvera plus la douceur d'une surface unie".

"Séducteurs en Équateur" - Vita Sackville-West - Le Livre de Poche (Bourgois) - 90 pages (traduit de l'anglais par Brigitte Carcenac de Torné)

Lecture dans le cadre du Mois Anglais

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E
encore un titre que je ne connaissais pas du tout!
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N
moi non plus avant de tomber dessus sur une table de librairie...
R
Je ne sais pas.....seul le court court texte m'attire....;)
Répondre
N
ha ha... alors nous voici au milieu du gué